Voir la source de Digitalis purpurea

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La '''Digitale pourpre''' ou '''Grande Digitale''' ('''''Digitalis purpurea''''') est une [[espèce]] de plantes de la famille des ''[[Scrophulariaceae]]'' selon la classification classique, ou des ''[[Plantaginaceae]]'' selon la classification phylogénétique. C'est une grande [[digitale]] [[plante bisannuelle|bisannuelle]] ou [[plante vivace|vivace]], cultivée comme [[plante ornementale]]. La plante est extrêmement toxique. Elle est appelée parfois '''Doigtier''', '''Gant-de-Notre-Dame''', '''Gant-de-bergère''', '''Gantelée''', '''Gantière''' ou '''Gantillier'''.

== Étymologie et noms vernaculaires ==
Digitale provient du latin ''{{Langue|la|texte=digitus}}'' c'est-à-dire « doigt », et se réfère à la facilité avec laquelle on peut introduire un doigt dans la corolle de la [[fleur]]. Pour la même raison, les Anglais nomment la plante ''{{Langue|en|texte=foxglove}}'', « gant de renard » et les Allemands ''{{Langue|de|texte=Fingerhut}}'', « dé à coudre »<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[François Couplan]]|titre=Les plantes et leurs noms. Histoires insolite|éditeur=Éditions Quae|année=2012|passage=47|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|upZddPJu3l4C}}}}.</ref>.

La Digitale pourpre possède de nombreux noms en rapport ou non avec les doigts (d'une main ou d'un gant) ou la ressemblance avec un dé à coudre : digitale pourpre, digitale commune, grande digitale, gants de Notre-Dame, gantelée, gantière, queue de loup<ref>Selon la légende, les loups en mangeaient pour augmenter leur résistance à la course.</ref>, pavée, dé de Notre-Dame, gandio, péterolle ou claquet (les enfants faisant péter ou claquer les fleurs), [[Gobe-mouche (plante)|gobe-mouche]], etc<ref>{{Ouvrage|auteur1=A. Georges|titre=Les hétérosides cardiotoniques de la digitale et leurs dérivés semi-synthétiques|éditeur=Éditions Arscia|année=1967|passage=22}}.</ref>.

== Caractéristiques botaniques ==
[[Fichier:Digitalis purpurea 2015-06-20 3386b.jpg|vignette|La lèvre inférieure est utilisée comme plateforme d'atterrissage par les bourdons et les taches foncées (concentration d'[[anthocyane]]s) sont des signaux optiques simulant des [[anthère]]s ouverts<ref>Le tube corollin masque les anthères, facteur défavorable à la pollinisation. Cette simulation favorise l'[[entomogamie]].</ref> et jouant le rôle de [[guide de nectar]] pour guider les insectes jusqu'au [[Nectaire (botanique)|nectaire]]<ref>{{Article|langue=de|auteur=Günther Osche|titre=Optische Signale in der Coevolution von Pflanze und Tier|périodique=[[Société botanique allemande|Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft]]|date=octobre 1983|volume=96|numéro=1|pages=1–27|doi=10.1111/j.1438-8677.1983}}.</ref>.]]

=== Appareil végétatif ===
[[Fichier:Digitalis purpurea floral diagram.svg|vignette|upright=0.7|[[Diagramme floral]] de ''Digitalis purpurea''.]]
La digitale pourpre est une [[plante bisannuelle|bisannuelle]], donnant la première année seulement une [[Rosette (botanique)|rosette]] dense de feuilles. Elle érige son [[épi floral]] à partir de la deuxième année. Haute de 30 cm à 2 mètres, c'est une plante [[Tomenteux|tomenteuse]] d'apparence blanchâtre, à la tige creuse mais solide. Ses feuilles ovale à oblongues-lancéolées, non divisées, entières ou dentées, font de 10–35 cm de longueur et 5–12 cm de largeur<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Botanica|éditeur=Mynah|année=1997|passage=307|isbn=}}.</ref>. Les feuilles basilaires et les feuilles moyennes sont longuement pétiolées tandis que les feuilles supérieures sont [[Sessilité (botanique)|subsessiles]]. Elles sont crénelées-dentées, mollement [[pubescent]]es et leur face inférieure [[Tomenteux|tomenteuse]], conférant une couleur vert grisâtre et un toucher velouté, avec présence d'un réseau particulièrement dense de nervures très saillantes d'où leur aspect gaufré<ref>{{Ouvrage|auteur1=Michel Botineau|titre=Guide des plantes toxiques et allergisantes|éditeur=Éditions Belin|année=2011|passage=66|isbn=}}.</ref>.

=== Appareil floral ===
La floraison est [[basifuge]] : les fleurs s'épanouissent en premier à la base de la hampe florale, creuse et robuste, qui fleurit de juin à septembre. Les sources de pollen et de nectar s'échelonnent ainsi durant plusieurs semaines pour les insectes. L’inflorescence est une longue grappe unilatérale de fleurs pendantes nettement [[zygomorphe]]s. Le [[calice (botanique)|calice]] pubescent, [[hétérosépale]], est constitué de 5 sépales [[conné]]s formant 5 lobes ovales-oblongs, [[mucron]]és. La [[corolle]] de 4-{{Unité|5|cm}} de long sur {{Unité|2|cm}} de large, ventrue, glabre en dehors, poilue à l'intérieur, forme des fleurs tubulaires (5 pétales soudés) légèrement [[Glossaire de botanique#B|bilabiées]] en doigt de gant, pourpre clair, parfois blanches. La lèvre supérieure comprend deux pétales uniformément colorés, la lèvre inférieure est formée de trois pièces portant des poils glanduleux et des taches rouge-vif cernées de blanc à l'intérieur de la corolle<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jean-Claude Rameau, Dominique Mansion, G. Dumé|titre=Flore forestière française|sous-titre=guide écologique illustré|éditeur=Forêt privée française|année=1993|passage=1327|isbn=}}.</ref>. La corolle présente un rétrécissement autour de l'[[Ovaire (botanique)|ovaire]], ce qui rend le nectar difficilement accessible à moins que le butineur puisse étirer une langue d'au moins 7 mm de longueur, principalement les bourdons. L'[[androcée]] a 4 [[étamine]]s soudées à la corolle (2 à filet court, 2 à filet long), les  anthères étant introrses. L'ordre de maturation est de type [[Glossaire botanique#P|protandre]]. Le pollen est dispersé par les insectes ([[Entomogamie|entomogame]]). Le gynécée est constitué de 2 carpelles soudés en un ovaire à [[Placenta (botanique)|placentation axile]] à nombreux ovules, un style terminé par un stigmate bifide à maturité. Un [[nectaire (botanique)|nectaire]] en anneau est présent à la base de l'ovaire. Le fruit est une [[Capsule (botanique)|capsule]] biloculaire ovoïde [[Tomenteux|tomenteuse]] qui libère par [[Déhiscence (botanique)|déhiscence septicide]] de ses deux valves de nombreuses petites graines verruqueuses jaune pâle de 0,1 à {{Unité|0,2|mm}}. La dissémination est de type [[Anémochorie|anémochore]] ou [[Zoochorie#Épizoochorie|épizoochore]]<ref>Ph. Julve, Baseflor. Index botanique, écologique et chorologique de la flore de France, 6 février 2017</ref>.

== Taxonomie ==
=== Histoire botanique ===
Jadis, la digitale pourpre, était considérée comme une [[plante magique]] associée à la [[Magie (surnaturel)|magie blanche]]. En vieux pays celte, les femmes badigeonnaient les interstices du dallage de leurs [[chaumière]]s avec une préparation à base de gants-de-Notre-Dame. Les forces souterraines néfastes ne pouvaient alors plus faire irruption<ref name="AR">Guide de visite, les plantes magiques, du jardin des neuf carrés de l'[[abbaye de Royaumont]]</ref>.

La Digitale pourpre est décrite pour la première fois en 1542 par le botaniste suisse Leonhart Fuchs dans son ouvrage intitulé New Kreuterbüch.

En 1775, [[William Withering]] découvre fortuitement les propriétés tonicardiaques et diurétiques de cette plante qu'il étudie. Il publie en [[1785]] la description de ses essais cliniques et l'indication sur la toxicité de la [[digitaline]] dans ''{{Langue|en|texte=An Account of the Foxglove and some of its Medical Uses}}''<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Claire Kowalchik|auteur2=William H. Hylton|titre=Rodale's Illustrated Encyclopedia of Herbs|éditeur=Rodale|année=1998|passage=197|isbn=}}.</ref>. La digitale est cependant rapidement retirée de la pharmacopée en raison de l'instabilité et de l'imprécision des préparations, jusqu'à l'isolement en 1868 du principe actif par [[Claude-Adolphe Nativelle]]. Le pharmacien et chimiste français est parvenu à isoler la digitaline sous forme cristallisée par purification d'un extrait alcoolique de feuilles de digitale dans le chloroforme<ref>{{Ouvrage|auteur1=A. Georges|titre=Les hétérosides cardiotoniques de la digitale et leurs dérivés semi-synthétiques|éditeur=Éditions Arscia|année=1967|passage=35}}.</ref>.

=== Sous-espèces ===
*''D. p.'' subsp. ''purpurea'' – Europe
*''D. p.'' subsp. ''heywoodii'' – Espagne
*''D. p.'' subsp. ''mariana'' – Espagne

== Distribution et habitat ==
[[Fichier:Flowering foxgloves - geograph.org.uk - 1367406.jpg|vignette|Levée de dormance des graines de ''Digitalis purpurea'' après une coupe forestière rase.]]

La digitale pourpre est une espèce de soleil ou de demi-ombre. Elle apprécie les sols frais, pauvres et plutôt acides : les prairies et coupes forestières, les clairières montagneuses des terrains siliceux d’[[Europe]], les lisières, les bords de chemins ou les [[lande]]s. Elle est un [[bioindicateur]] assez fiable d'un passage de l'ombre à la lumière sur sols [[Rapport C/N|carboné]] acide<ref>''Plantes Bio-indicatrices, guides de diagnostic des sols'', [[Gérard Ducerf]], Éditions Promonature, 2005</ref>.

De manière générale, c'est une espèce océanique. Elle est commune dans toute la France (jusqu'à {{unité|1000|m}} d'altitude dans les [[Alpes]] et {{unité|1800|m}} dans les [[Pyrénées]]), mais absente des régions méditerranéennes (sauf en [[Corse]], où elle est très commune) et des [[Forêt des Landes|Landes]]<ref name=":0">{{Article|langue=français|auteur1=Hyma La Hyène|titre=Les plantes dont il faut se méfier|périodique=Survival n° 5|date=décembre 2016 / janvier 2017|lire en ligne=|pages=42}}</ref>. Elle est commune en Europe et dans le Nord-Est de l'Amérique du Nord<ref>{{lien web |langue=en |url=https://identify.plantnet.org/fr/afn/species/Digitalis%20purpurea%20L./data |titre=Digitalis purpurea L.  |éditeur=PlantNet |date=2021}}</ref>.

Voici comment [[François-René de Chateaubriand|Chateaubriand]] en parle ''{{Citation|Ce fut cette fois un espace aride, couvert de digitales, qui me fit oublier le monde}}''<ref>Rollin J.-F. (1967), ''Paysage de Chateaubriand''</ref> ; [[Pierre Loti]] les évoque dans ''[[Ramuntcho (roman)|Ramuntcho]]'' il y a  plus d'un siècle (1896) : ''{{Citation|Après un rapide coup d’œil à la [[place du jeu de paume]], ils se mettent en route par de petits [[chemin]]s magnifiquement verts qui se cachent au plus creux des vallées en longeant des [[torrent (hydrologie)|torrents]] frais. Les digitales en fleurs s’élancent partout comme de longues fusées roses au-dessus de l’amas léger et infini des [[fougère]]s.}}''

== Propriétés médicinales ==
La digitale est une plante extrêmement toxique ({{unité|10|g}} de feuilles sèches et {{unité|40|g}} de feuilles fraîches sont mortels pour l'homme<ref>{{Lien web|url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/digitale//|titre=Digitale|auteur=Pierre Lieutaghi|consulté le= 11 mai 2021|site=[[universalis.fr]]}}.</ref>) dont on extrait la [[digitaline]] ou [[digitoxine]], utilisée comme tonicardiaque. Ces substances sont des [[Digitalique|glycosides cardiotoniques]] utilisés dans le traitement de la [[tachycardie]] et de l'[[Trouble du rythme cardiaque|arythmie cardiaque]]. Elle est plus prisée que la [[digitale jaune]] parce qu'elle contient plus de principes actifs que cette dernière<ref name="AR"/>.

La plante contient des sucres complexes ([[hétéroside]]s) dont la [[digitoxine]], la [[digoxygénine]], la [[gitixoside]], la [[digitaloside]], la [[sapogénine]], la [[digitonine]], la [[digitoflavine]]. Ces substances régulent, ralentissent et renforcent (les 3 "R") les battements des [[cœur|muscles cardiaques]]. L’industrie pharmaceutique utilise plutôt la [[digoxine]] extraite de la [[digitale laineuse]] originaire des pays balkaniques en raison de sa résistance au gel et à sa plus forte teneur en principes actifs<ref>{{Article|auteur=Y. Gaillard, M. Cheze, G. Pépin|titre=Intoxications humaines par les végétaux supérieurs : revue de la littérature|périodique=Annales de Biologie Clinique|date=décembre 2001|volume=59|numéro=6|pages=764}}.</ref>.

== Galerie ==
<gallery mode="packed">
Fichier:Digitale 7 mars 2014.jpg|''Digitalis purpurea'' (rosette de feuilles), [[Arboretum de L'Hôpital|forêt de Zang]].
Fichier:Digitalis purpurea16082001fruits.JPG|''Digitalis purpurea'' (fruit).
Fichier:Ants cultivating afids on Digitalis purpurea - Purple Foxglove - Roter Fingerhut - Hesse - Germany - 05.jpg|Sur une digitale, [[Myrmica rubra|fourmis rouges]] élevant les [[Puceron noir de la fève|pucerons noirs]] pour pouvoir récolter le [[miellat]].
Fichier:Vallée du Marcadau 100.JPG|Floraison en août à {{unité|1650|m}} d'altitude dans la [[vallée du Marcadau]] ([[Pyrénées]]) en sol semi-acide.
Fichier:Digitalis purpurea phenotypes.png|Deux gènes déterminant la couleur des pétales sont à l'origine de quatre [[phénotype]]s de ''Digitalis purpurea''
Fichier:Digitalis Purpurea dans le massif du Mont Aigoual.jpg|''Digitalis purpurea'' dans le massif du [[mont Aigoual]] (fin du mois de juin).
Fichier:Digitalis purpurea - Panoramic trail - Northern Black Forest 01.jpg|[[Grappe]] de ''Digitalis purpurea'' près du [[Lotharpfad]] en [[Forêt-Noire]].
File:WTB 20220723 Ulrichsberg Aussichtsturm Moldaublick 9807.jpg|''Digitalis purpurea'' près d'[[Ulrichsberg]] en Autriche. Juillet 2022.
</gallery>

== Culture ==
Une théorie suggère que le docteur [[Paul Gachet|Gachet]] aurait prescrit de la [[Digitoxine|digitaline]] à Van Gogh pour traiter l'[[épilepsie]], substance qui altèrerait la perception visuelle et teindrait la vision en jaune. Cependant, il n'existe aucune preuve directe que le peintre ait pris de la [[Digitoxine|digitaline]], même si Van Gogh a peint ''[[Portrait du docteur Gachet avec branche de digitale]].''<ref>{{Article |prénom1=P. |nom1=Wolf |titre=Creativity and chronic disease Vincent van Gogh (1853-1890) |périodique=Western Journal of Medicine |volume=175 |numéro=5 |date=2001-11-01 |issn=0093-0415 |doi=10.1136/ewjm.175.5.348 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1136/ewjm.175.5.348 |consulté le=2020-12-02 |pages=348–348 }}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Gérard Debuigne, François Couplan|titre=Le petit Larousse des plantes qui guérissent|passage=355|lieu=Italie|éditeur=Larousse 2016|date=septembre 2016|pages totales=1029|isbn=|lire en ligne=}}</ref>

== Notes et références ==
{{Références}}

== Annexes ==
{{Autres projets
|commons=Category:Digitalis purpurea
}}

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage
 | auteur1 = Jean-Claude Rameau
 | auteur2 = D. Mansion
 | auteur3 = G. Dumé
 | titre = ''Flore forestière française guide écologique illustré, Plaines et collines''<!-- Paramètre obligatoire -->
 | éditeur = Institut pour le développement forestier
 | année = 1989 rééd. 2003
 | tome = 1
 | pages totales = 1 785
 | isbn =  978-2904740169
 | lire en ligne = 
 }}

=== Articles connexes ===
* [[Glossaire de botanique]]
* [[Liste de plantes toxiques]]
* [[Muflier à grandes fleurs]]

=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
* {{Belles fleurs de France2|digitalis_purpurea1|''Digitalis purpurea''}}
* {{eFloras|2|200020644|Digitalis purpurea}}
* {{CatalogueofLife | 3639Z | ''Digitalis purpurea'' L. | consulté le=15 décembre 2020 }}
* {{Tela-métro|22437|''Digitalis purpurea'' L.}}
* {{INPN|94959|''Digitalis purpurea'' L., 1753}}
* {{ITIS|33585|''Digitalis purpurea''  L.}}
* {{NCBI|4164|''Digitalis purpurea''}}
* {{GRIN espèce|13986|''Digitalis purpurea'' L.}}

{{Portail|botanique|plantes utiles}}

[[Catégorie:Scrophulariaceae (Cronquist)]]
[[Catégorie:Plantaginaceae]]
[[Catégorie:Plante magique]]
[[Catégorie:Plante toxique]]
[[Catégorie:Espèce d'Angiospermes (nom scientifique)]]