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Takfirisme

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Les takfiri (du mot arabe : تكفيري), de Takfir wal Hijra (en arabe : تكفير والهجرة, Excommunication et Immigration, est une branche des azraqites qui fut développée en perse vers l'an 685 par nâfi' ben al-azraq , en 1971 un groupe extrémiste islamistes né d'une scission des Frères musulmans et adeptes d'une idéologie ultra-violente, à savoir le takfīr. Le terme takfir signifie littéralement « excommunication » prononcée contre les kâfir (arabe : كافر, « mécréant, incroyant, ingrat, infidèle », pluriel kouffar, كفار / kuffār), une accusation qui justifie la mise à mort. Les takfiris considèrent les musulmans ne partageant pas leur point de vue comme des apostats, ce qui les autorise - selon eux - à verser légitimement leur sang. Pour mettre au pas leurs coreligionnaires, ils recourent donc systématiquement à l'arme du takfir.

Histoire

Takfir wal Hijra

Le mouvement Takfir wal Hijra (repentance et guerre sainte) est fondé, à sa sortie de prison en 1971, par Moustafa Choukri (en) (1942–1978), un ingénieur agronome égyptien originaire d'Assiout, emprisonné par Nasser à la suite de la grande répression des islamistes de 1965. Initialement, le nom de Takfir wal Hijra a été donné ironiquement par la police et la presse égyptienne, ses membres se désignant sous le nom de Jama'a al-muslimun ("association des musulmans")[1]. Ce mouvement est issu d'une scission des Frères musulmans par un groupe de puristes qui non seulement excommunient (Takfir) les autres groupes musulmans, mais refusent de prier avec eux et se mettent donc en état d'immigration (Hijra) pour rompre totalement avec la congrégation religieuse, en contradiction avec les principes régissant l'Oumma[2]. Ces théories trouvent leur origine dans la pensée de l'Égyptien Sayyid Qotb, dont elles sont une application littérale[3]. "L'immigration" souligne la rupture totale avec la société musulmane traditionnelle qualifiée donc de mécréante (kufr)[2]. Les partisans de cette doctrine s'isolent alors dans des communautés alternatives, ou même dans des grottes en Haute-Égypte.

Ce mouvement recrute des personnes marginalisées ou aliénées dans l'Égypte moderne, et qui trouvent dans le groupe une nouvelle communauté[4]. Le mouvement attire beaucoup de femmes. Celles-ci peuvent alors rompre tout lien avec leur famille, considérée comme mécréante, se dessaisissant ainsi de leur responsabilité de femme au sein de leur famille. Bénéficiant d'une autorité incontestée à l'intérieur du groupe, Choukri s'autoproclame comme une sorte de Mahdi, arrangeant les mariages et interdisant les contacts externes, ce qui entraîne des plaintes des familles dont les filles ont rejoint le groupe.

En 1977, les autorités égyptiennes sévissent contre le groupe, arrêtent ses membres et exécutent Moustafa Choukri à la suite de l'assassinat d'un ancien ministre des biens religieux. Le groupe semble avoir disparu, mais en 1995 la police égyptienne découvre des vidéos de propagande takfiri, et met au jour tout un réseau se réclamant de son héritage[1].

Utilisation dans les conflits modernes

Plutôt que l'organisation structurée originale, le terme Takfir wal Hijra désigne aujourd'hui plusieurs mouvements néo-fondamentalistes développant une rhétorique de retour à une pureté de l'Islam originel[5]. Le terme a été popularisé dans les médias occidentaux par le journaliste d'investigation de la BBC Peter Taylor, dans un documentaire intitulé Le Nouvel Al Qaida. Il désigne par là des groupes armés particulièrement violents et cruels dont l'inspiration idéologique et religieuse vient du kharidjisme et du ikhwanisme, et dont les atrocités qu'ils commettent sont rarement dénoncées.

Aujourd'hui, le Takfir wal Hijra inspire des groupes dans plusieurs pays où est aussi présent Al-Qaïda, notamment en Libye[6], en Éthiopie[7] ou en Russie[8]. Chérif Kouachi, l'un des auteurs de la fusillade au siège de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, se réclamait du Takfir wal Hijra lorsqu'il préparait l'évasion de l'un des responsables de l’attentat de 1995 dans le RER C[9].

Les combattants takfiristes ont des pratiques de guerre qui les caractérisent :

  • profanation de tombes[10], destruction des mausolées[11], et de lieux de cultes ;
  • atrocités, parfois filmées, utilisées pour intimider et terroriser les populations[12] ;

Les salafistes djihadistes sont également souvent qualifiés de « takfiri » ou de « kharidjites » par leurs adversaires musulmans, en particulier par les chiites et les salafistes quiétistes. Termes jugés péjoratif par les salafistes djihadistes qui les rejettent, tout en l'appliquant parfois à d'autres groupes[13],[14],[15],[16],[17],[18]. Ainsi dans les années 1990, Oussama ben Laden appelle les djihadistes algériens à adopter une ligne plus « salafiste » en dénonçant les dérives « takfiri » du GIA de Zouabri et Zitouni, ce qui provoque la scission du groupe[19].

Doctrine et traits psychologiques

Les opposants musulmans aux takfiristes considèrent souvent ces derniers comme les équivalents modernes des Kharijites[20], un mouvement religieux qui, au VIIe siècle, lança la guerre contre le calife `Ali ibn Abi Talib. Ses membres furent mis en déroute mais réussirent finalement par le faire assassiner (en 661). Au départ les Kharidjites étaient des disciples d'Ali qui refusèrent que ce dernier accepte un traité de paix avec Muʿāwiya Ier qui eut lieu après la bataille de Ṣiffīn en argüant que « Alī est choisi par Dieu pour être calife et qu'il ne doit pas lui désobéir ». Ali reçut alors l'ordre de tuer les opposants à ce traité. C'est pour cette raison que les Kharidjites décidèrent d'entrer simultanément en guerre contre les deux mouvances chiites et sunnites, afin de détruire ceux qu'ils considéraient comme des apostats, se référant pour cela au verset coranique suivant :

« Si deux partis de croyants se combattent
rétablissez la paix entre eux
Si l'un se rebelle encore contre l'autre,
Luttez contre celui qui se rebelle
Jusqu'à ce qu'il s'incline devant l'ordre de Dieu. »

— Le Coran, « Les Appartements », XLIX, 9, (ar) الحجرات.

Le takfirisme est souvent perçu comme idéologiquement proche (ou même comme une émanation) du kharidjisme, à la différence majeure que le takfirisme use systématiquement de l'excommunication comme arme pour arriver à ses fins, là où le kharidjisme peut user du dialogue pacifique afin de tenter d'établir la paix entre les intervenants. En outre, les takfiristes peuvent venir d'horizons spirituels très divers et donc ne pas être issus directement de la doctrine kharidjite.

Notes et références

  1. a et b Xavier Raufer et Alain Bauer, L'énigme Al Qaïda, JC Lattès, , 280 p. (lire en ligne)
  2. a et b Xavier Ternisien, Les Frères musulmans, Fayard/Pluriel, , 384 p. (lire en ligne)
  3. « France: Les quatre principales familles de l'Islam militant », sur Femmes sous lois musulmanes (consulté le )
  4. Christophe Ayad, Géopolitique de l'Egypte, Editions Complexe, , 143 p. (lire en ligne)
  5. http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=COME_057_0025
  6. https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01065475/document
  7. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01076280/document
  8. http://www.bbc.co.uk/afrique/monde/2013/11/131127_russie_islamistes_moscou
  9. https://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/09/cherif-kouachi-sous-l-emprise-d-un-mouvement-sectaire-salafiste_4552546_3224.html
  10. http://french.irib.ir/info/moyen-orient/item/255387-syrie-al-nosra-revendique-la-profanation-de-la-tombe-de-hojar-ben-uday
  11. http://www.franceinfo.fr/monde/nord-mali%C2%A0-destruction-des-derniers-mausolees-de-tombouctou-par%C2%A0des%C2%A0islamis-842617-2012-12-23.
  12. http://www.rfi.fr/europe/20130627-al-nosra-decapite-trois-moines-franciscains-diffuse-video.
  13. [[#Luizard|Pierre-Jean Luizard, Le piège Daech, l'État islamique ou le retour de l'Histoire]], p. 176
  14. Libération : L'État islamique n'est pas qu'une « bande armée », par Jean-Pierre Perrin.
  15. William Audureau, Pourquoi il ne faut pas confondre le salafisme et le takfirisme, Le Monde, 25 novembre 2015.
  16. Bernadette Sauvaget, Eléments de matraquage, Libération, 20 décembre 2015.
  17. Romain Caillet, Salafistes et djihadistes : quelles différences, quels points communs ?, Le Figaro, 26 novembre 2015.
  18. Khadiyatoulah Fall et Samir Amghar, L’islam est-il responsable de la violence islamiste?, Le Devoir, 8 juillet 2017.
  19. Lemine Ould Mohamed Salem, Le Ben Laden du Sahara, sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar, Éditions de La Martinière, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article, p.46-54.
  20. http://www.salafidemontreal.com/index.php/refutation-des-sectes/le-manhaj-des-neo-khawaarijs.html

Voir aussi

Articles connexes