Obscurantisme
Pour les courants intellectuels et politiques progressistes, héritiers de la philosophie des Lumières, l’obscurantisme est une attitude d'opposition à la diffusion du savoir, dans n'importe quel domaine.
Définition
Le terme « obscurantiste » est exclusivement péjoratif. Un obscurantiste prône et défend une attitude de négation du savoir. Il refuse de reconnaître pour vraies des choses démontrées. Il pose des restrictions dans la diffusion de connaissances. Il est contre la propagation de nouvelles théories.
Par exemple, l'astrologie est aujourd'hui considérée comme obscurantiste, car elle repose sur des interprétations peu compatibles avec les observations scientifiques modernes[1]. Il y a quelques siècles encore, les connaissances scientifiques et notamment astronomiques étaient insuffisantes pour invalider les interprétations astrologiques[2].
Pour certains athées, les religions sont des croyances obscurantistes, c'est-à-dire détachées de la réalité.
L'obscurantisme est souvent associé à une certaine image du Moyen Âge. Il est mis en rapport avec, durant le Moyen Âge, l'Inquisition et les autodafés ; durant l'époque des grandes découvertes et des Lumières, les anciennes idées politiques et religieuses.
Histoire de l'obscurantisme
Géocentrisme contre Héliocentrisme
La fin du XVIe siècle a vu le passage d'une représentation du monde géocentrique à une représentation héliocentrique. Rares étaient les scientifiques qui osaient prendre des distances par rapport à la doctrine officielle de l'Église catholique romaine, qui penchait indubitablement pour la première hypothèse. La preuve optique de la trajectoire orbitale de la Terre autour du Soleil a suscité une réaction violente de l'institution, concrétisée par la condamnation de Galilée en 1634. Cet obscurantisme a provoqué une critique de la part de certains philosophes. Par exemple, Descartes dans le Discours de la méthode parle d'une « philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles »[3].
Les progrès de la technique
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'extension des procédés de l'imprimerie et de la presse permettait de se rendre compte des découvertes des sciences, et de diffuser ce savoir pour obtenir des applications pratiques dans le domaine technique[réf. nécessaire].
Le siècle des Lumières
La lutte contre l'« obscurantisme » fut le principal cheval de bataille des penseurs que l'on associe à la période des Lumières, correspondant sensiblement au XVIIIe siècle. C'est dans cet esprit que Voltaire écrivit De l'horrible danger de la lecture (1765).
C'est en effet l'idée centrale des Lumières que le progrès général dans le comportement humain, y compris dans le domaine politique, est conditionné par une diffusion la plus large possible de toutes les connaissances. Et qu'il y a une corrélation de facto entre d'une part l'ignorance et la servitude, et d'autre part entre la connaissance et la liberté.
Tout le projet encyclopédique de d'Alembert et de Diderot incarne cette idée, illustrée par le célèbre opéra de Wolfgang Amadeus Mozart : La Flûte enchantée.
Obscurantisme moderne
Le discours obscurantiste connaît un certain renouveau au début du XXIe siècle, porté notamment par le courant conspirationniste sur Internet[4]. De nombreuses théories de complots trouvent un écho important sur les réseaux sociaux[5], où certains groupes rejettent la science et le savoir au profit d'une vision alternative de la réalité (Terre plate[6], canular de l'homme sur la Lune[7], rejet de la vaccination[8]...).
Ces groupes ont souvent pour trait commun une défiance à l'égard du pouvoir en place et des institutions[9], entraînant un rejet de la classe politique, mais également de la presse et de la science. Le discours relayé étant peu assujetti au raisonnement logique et scientifique, cette nouvelle forme d'obscurantisme est particulièrement difficile à combattre[10].
Le discours obscurantiste
Selon le discours obscurantiste tel que l'ont présenté les philosophes des Lumières, tout propos sortant des normes est trompeur : il attente donc à la vérité, il est hérésie, blasphème et, une fois ce crime matérialisé, il mérite sanction (bûcher, anathème, etc.).
Méthodes
L'obscurantisme emploie les méthodes suivantes :
- l'alliance avec le pouvoir permet la censure et le recours à la force publique ;
- le discrédit de l'intelligence, de l'étude et de l'érudition non par la critique rationnelle mais par la critique essentialiste.
Pour Pierre Bourdieu, notre société n'est pas à l'abri du phénomène : « L'obscurantisme est revenu, mais cette fois nous avons affaire à des gens qui se recommandent de la raison. Face à cela, on ne peut pas se taire »[11].
Notes et références
- Voir à ce sujet la controverse autour de la thèse de sociologie délivrée à Élisabeth Teissier.
- Frédéric Lenoir, « Enquête sur l'astrologie », L'Express,
- Voir la sixième partie du Discours de la méthode
- «Le complotisme a cessé d’être un phénomène marginal», sur www.20minutes.fr (consulté le )
- « Les adeptes des théories du complot s'informent d'abord via les réseaux sociaux », sur FIGARO, (consulté le )
- « Ils partent en bateau pour prouver que la Terre est plate », sur LExpress.fr, (consulté le )
- « Théorie du complot: on n’a jamais marché sur la Lune », sur Femina (consulté le )
- « Vaccination : pourquoi tant de défiances ? », sur SudOuest.fr (consulté le )
- « Pourquoi les Français détestent-ils autant leurs élites? », sur Challenges (consulté le )
- « Le complotisme est plus fort que tout », sur Slate.fr, (consulté le )
- Propos recueillis par Isabelle Rüf, pour l'émission de Lison Méric « Fin de siècle » du 31/01/1999. Reproduit in Le Temps, 25/01/2002
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- 1984 George Orwell (anglais, cherchable en ligne...)
- Discours de la servitude volontaire Étienne de La Boétie.
- Bibliothecae Selectae sur le désir de posséder des livres interdits par des hommes de science et philosophes du XVe au XIXe siècle.