Décarbonation des transports
La décarbonation des transports est la réduction progressive de la consommation directe ou indirecte d'énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre dans le domaine des transports.
Décarbonation
Les transports représentent plus d'un tiers des émissions de CO2 des secteurs d'utilisation finale[1].
Les transports représentent le plus grand défi climatique de l'Union européenne : ils sont à la fois le secteur le plus émetteur en CO2 et celui dont la décarbonation tarde le plus à se concrétiser[2],[3].
Exploitation
La décarbonation des transports en phase d'exploitation repose sur cinq leviers[4],[6],[7],[8] que sont la baisse du volume de transport, l'augmentation du taux d'occupation ou de remplissage et celle de l'efficacité énergétique des véhicules, ainsi que la baisse de l'intensité en carbone de l'énergie.
Les quatre premiers facteurs que sont, pour rappel, la baisse du volume de transport, l'augmentation du taux d'occupation ou de remplissage et celle de l'efficacité énergétique des véhicules se traduisent par des économies d'énergie (aussi connues sous le concept de négawatt).
L'intermodalité s'appuie sur le report modal en faveur des transports en commun[9] et en défaveur de l'automobile[10] et de l'avion[11]. Le transport intermodal fait appel au train et à la voie d'eau[12].
Infrastructures
La construction d'infrastructures de transport est directement source d'émissions de CO2. Par ailleurs, les infrastructures, en augmentant le trafic, émettent indirectement du CO2[13].
Ainsi, selon le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), la construction de voies rapides entre villes entraîne une augmentation des distances et des vitesses, ce qui conduit à une hausse des consommations d'énergie[14].
En 2021, le pays de Galles renonce à construire de nouvelles routes pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre[15].
Place de la voiture
En France, l'ordre de grandeur de l'empreinte carbone due à la voiture est de deux tonnes équivalent CO2[16].
Les voitures électriques présentent un rendement d'environ 80 %, soit nettement plus que celui de leurs homologues thermiques[18],[17]. L'électricité est une énergie noble, qu'il convient d'économiser. L'électrification directe reste préférable dans le domaine automobile[19]. En France, selon RTE, 15,6 millions de voitures électriques consommeraient entre 34 et 38 TWh par an[20], ce qui correspondrait à près de 90 TWh/an pour les 40 millions de véhicules français s'ils étaient tous électriques[N 2]. La consommation de minerais de toutes les voitures électriques en France correspondrait à plus d’un an de production mondiale de cobalt et près de deux ans de production mondiale de lithium[21].
Le chercheur en transports Aurélien Bigo affirme que l'« avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir »[22],[23],[24] : il constate que la voiture est devenue le « couteau suisse de la mobilité »[22], au détriment de l'intermodalité. En Allemagne, des experts en transport, des entrepreneurs et des écologistes toujours plus nombreux affirment que la « solution pour rendre le secteur des transports [...] plus écologique doit aller au-delà du remplacement des voitures à essence par des voitures électriques »[25]. Il faut également réduire les kilomètres parcourus en voiture dans ce pays[26]. Au sein du Shift Project, les spécialistes de l’industrie automobile Laurent Perron et Jacques Portalier considèrent que le passage à l'électrique doit s'accompagner d'une transformation de la mobilité au profit de véhicules plus légers, à l'inverse de la tendance observée depuis 30 ans[27]. Le Forum Vies mobiles et La Fabrique écologique appellent eux aussi à la réduction du poids des véhicules[28],[29] tandis que l'Agence internationale de l'énergie invite à abaisser la vitesse sur autoroute[30].
Dans les villes américaines, la voiture accapare une place importante. La tendance est à la diminution de la place de la voiture, en autres pour lutter contre les îlots de chaleur[31]. Les villes disposent de tout un arsenal allant de l'incitation à la contrainte[32]. La réglementation joue un rôle important, car les « petits gestes », pour utiles qu'ils soient, ne peuvent pas tout, selon Jean-Marc Jancovici[33].
Dans les zones de moyenne à faible densité de population, le covoiturage permet de compenser la carence ou l'absence de transports en commun pour les personnes ne possédant pas de véhicule. Outre les enjeux de décarbonation, les enjeux d'accès à l'emploi sont majeurs[34]. Autour des grandes agglomérations, dans des zones de moyenne densité, le covoiturage peut revêtir la forme de lignes de covoiturage[35] (par exemple dans le cadre des services express régionaux métropolitains) et le vélo pourrait fortement contribuer à la décarbonation des transports[36]. La limitation de l'étalement urbain participe de la réduction de la place de la voiture[37].
Appelant à une inversion des imaginaires, le projet européen Share North[38] promeut la pyramide inversée de la mobilité[39], dans la région de la mer du Nord. Les mobilités actives, par ailleurs utiles en ce qu'elles permettent de combattre la sédentarité[40] — enjeu de santé publique majeur[41] —, figurent tout en haut de la pyramide.
Transport ferroviaire
La très faible résistance au roulement fer-fer, ainsi que la plus faible résistance aérodynamique des convois constitués de wagons qui « s'abritent derrière la motrice, dans son sillage » expliquent la très bonne efficacité du train[43]. La résistance au roulement sur rail est en effet beaucoup plus faible que celle d'un contact pneu-route. L'écart est de l'ordre de un à sept, soit des coefficients de résistance de 0,2 % pour le train et 1,5 % pour une voiture à 110 km/h[44]. Par ailleurs, pour peu que la liaison entre wagons soit soignée, le premier wagon est à l'origine d'une traînée aérodynamique plus élevée que celle des wagons suivants, ce qui a un effet positif sur la traînée moyenne par passager transporté. Dans le monde, la consommation d'énergie finale des trains s'élève à environ 150 kJ/pkm (kilojoule par passager-kilomètre) et 150 kJ/tkm (kilojoule par tonne-kilomètre)[45] — environ 4,2 kWh/100 pkm et 4,2 kWh/100 tkm. Le groupement allemand Alliance pour le rail (Allemagne) (de) annonce une consommation de 6,2 kWh/100 pkm sur la longue distance et 24,9 kWh/100 pkm sur la courte distance, ainsi que 7 kWh/100 tkm pour le fret[46].
Dans les années 2020, des entreprises commencent à proposer à leurs salariés un congé supplémentaire appelé « temps de trajet responsable », pour leur permettre de se déplacer en train plutôt qu'en avion[47].
Selon l'Union internationale des chemins de fer, en 2016, la construction des voies représente une émission additionnelle de l'ordre de six à sept grammes de CO2 par voyageur-kilomètre[48],[49]. Mais quand des tunnels sont creusés, l'empreinte carbone peut s'avérer très élevée, ce qui amène la Cour des comptes européenne à estimer que le CO2 lié à la construction de la liaison ferroviaire transalpine Lyon - Turin ne sera compensé qu'au moins vingt-cinq ans après sa mise en service[50],[51].
Marchandises
En France, la mise en place de circuits courts permettrait de réduire de 60 % le transport de produits alimentaires[52].
Eu égard à leur bonne efficacité énergétique[46], la hausse de la part modale du train[53] et de la voie d'eau est recherchée[54],[55].
Énergie bas carbone
La production d'énergie à l'échelle mondiale fait aujourd'hui encore très largement appel aux combustibles fossiles, non durables, en dépit de l'essor des énergies renouvelables et du nucléaire[57],[58]. Pour l'historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz, la transition énergétique n'a pas encore commencé, étant donné que les formes d'énergie consommées se cumulent et ne se remplacent pas[59]. Ainsi l’électrique se retrouve le plus souvent plus émissif que le thermique en Inde et en Pologne, et parfois en Chine selon certaines analyses[24]. Il observe que la Chine concentre la moitié du parc automobile et qu'elle produit les deux tiers de son électricité à partir de charbon. Il en conclut que la « voiture électrique a eu pour effet de renforcer la part du charbon face au pétrole dans la mobilité mondiale »[60]. La production des matériaux, nécessaires pour la construction des infrastructures et équipements de transport[61], repose de plus en plus sur le charbon[62]. Le charbon est une énergie à plus haute intensité en carbone que le pétrole.
L'électrification des usages fossiles permet la diffusion des énergies durables que sont le nucléaire et les énergies renouvelables. Parmi les énergies durables, on compte les combustibles bas carbone, tels les biocarburants. Les e-carburants sont des carburants synthétisés à partir d'électricité. Dans le cas des biocarburants, la concurrence avec la production alimentaire et le changement d'usage des sols sont à prendre en compte.
La production de dihydrogène et de carburants synthétiques nécessiterait de grandes quantités d'électricité décarbonée[63] (au bénéfice toutefois de l'équilibrage entre offre et demande du système électrique), au risque de paraître contradictoire avec les économies d'énergie. Il serait raisonnable de réserver les e-carburants au domaine de l'aviation[19], où l'électrification directe est impossible. Même l’aviation nécessiterait de grandes quantités d'électricité[64].
À l'échelle européenne, selon le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le dihydrogène serait réservé majoritairement aux domaines de l'aviation et de la sidérurgie et assez peu aux transports routier et maritime. Les zones à l'électricité fortement décarbonée — Europe du Nord et péninsule Ibérique grâce aux énergies renouvelables et la France, grâce au nucléaire — pourraient produire ce dihydrogène, tandis que l'Europe centrale et orientale devrait l'importer[65]. En Allemagne, le plan du gouvernement prévoit que de 50 % à 70 % de l'hydrogène nécessaire en 2030 soit importé[66].
Notes et références
Notes
- La base étant 100, l'énergie « utile » (correspondant aux pertes aérodynamiques, de roulement et de freinage) vaut 66 pour la conduite urbaine et 74 pour la conduite sur autoroute. Avec récupération, l'énergie à fournir n'est plus que de 100-27 = 73 en ville et de 100-7 = 93 sur autoroute.
- Soit environ 20 % de la consommation actuelle.
- Le concept de pyramide inversée de la mobilité est apparu en Belgique néerlandophone.
Références
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Voir aussi
Articles connexes
- Écomobilité
- Décarbonation des transports en France
- Écologie des transports : Éducation aux mobilités durables
- Identité de Kaya
Liens externes
- Décarboner les transports et les mobilités : quelles réponses efficaces face aux urgences ?, sur connaissancedesenergies.org
- Alliance pour la décarbonation de la route, sur lefigaro.fr
- Direction de l'environnement de l'OCDE, « Stratégies pour concevoir des systèmes de transport intrinsèquement neutres en carbone » [PDF], .