Kurdes
Les Kurdes sont un peuple d'origine indo-européenne descendant vraisemblablement des Mèdes[1] (ou plus précisément des Kardouques[2]), comptant approximativement entre 25[3] et 37 millions de personnes, vivant surtout en Turquie (entre 13 et 20 millions), en Iran (environ 7 millions), en Irak (environ 6 millions) et en Syrie (environ 2 millions), dans ce qui est appelé le Kurdistan. Il existe également des communautés kurdes en Arménie, au Haut-Karabakh (Kalbajar et Lachin), en Azerbaïdjan, au Liban et au Koweït. Quatre pays se partagent le territoire de la nation kurde qui forme depuis l'antiquité, un peuple à part. Divisés, prenant les armes tour à tour contre les États qui veulent les réduire, les Kurdes rêvent à leur souveraineté.
Depuis un siècle, certains Kurdes luttent pour leur autodétermination, afin d'avoir leur propre patrie, le Kurdistan. Tous les États qui abritent une communauté non-négligeable de Kurdes s’opposent activement à la création d’un État kurde, craignant de devoir abandonner une partie de leur territoire national.
Une immigration récente a entraîné l'apparition d'une diaspora kurde qui est présente dans tous les pays de l'Europe occidentale, aux États-Unis et en Australie. L'ancienne communauté qui était près de Kaboul quitta le pays pendant la guerre d'Afghanistan à la fin des années 1970. Traditionnellement les Kurdes sont des gardiens de troupeaux nomades, mais ils sont désormais plus sédentaires.
Les Kurdes parlent des dialectes proches les uns des autres, tous issus du kurde, langue indo-européenne de la branche iranienne. Le kurde utilise des alphabets différents (latin, cyrillique, arabe, persan) et connaît plusieurs variantes : le sorani (Iran, Irak), le kurmandji (Turquie, Syrie, Irak, Caucase) ou le zazaki (Turquie). La majorité des Kurdes est sunnite (80 %), mais il existe d'autres communautés, alévie, yézidie, juive (actuellement en Israël) et dans une plus faible proportion, chiite et chrétienne, en Irak et en Iran.
Histoire
Antiquité
La première apparition d’une culture distincte et unie et d’un peuple vivant dans les montagnes du Kurdistan date de la culture Halaf, dans la première moitié du VIe millénaire av. J.-C. (6000-5400 av. J.-C.). Elle est suivie par la culture hourrite, de 2300 à 1300 av. J.-C. environ. Parlant une langue agglutinante, ils dominent un territoire s’étendant largement au-delà du Zagros et du Taurus. Ils subsistent à travers le nom du district de Hawraman/Auraman, au Kurdistan.
Un peuple appelé les Lullubis habitait dans la plaine de Sharazor (Kurdistan irakien) et a combattu les Akkadiens vers 2300-2200 av. J.-C. Actuellement, un clan kurde s'appelle les Lullu, et pourrait être le descendant de ces antiques Lullubis.
De nombreuses sources historiques se réfèrent aux ancêtres des Kurdes modernes. Xénophon, dans son Anabase, les nomme Khardukhi, et les décrit comme « peuple féroce et défendant ses montagnes natales », qui attaque les armées grecques vers 400 av. J.-C. La région actuelle du Kurdistan, les montagnes autour du lac de Van, entre la Perse et la Mésopotamie d’alors, est nommée Carduchi, Cardyene ou Cordyene.
Les Kurdes modernes sont les descendants de nombreux envahisseurs et migrants qui se sont établis dans la région, Hourrites, Lullubi, Kurtis, Gutis, Mèdes, Mardes, Carduchis, Mitanni, Kassites. Le Kurdistan a aussi été envahi ou gourverné par les Assyriens, les Akkadiens, les Grecs (Alexandre le Grand), les Romains, les Byzantins, les Arabes, les Mongols et les Turcs, sans compter la brève colonisation française et surtout britannique. Tous ces passages ont laissé des traces, depuis 4000 ans, dans la culture kurde.
Le royaume kurde de Corduenne devient une province romaine en 66 av. J.-C. et reste dans l’Empire jusqu’en 384. Elle recouvrait la région à l’est et au sud de la ville de Diyarbakir.
Conquête arabe
Époque contemporaine
1844-1846
L'émir Bedir Khan fonde un royaume qui s'étend pendant deux brèves années entre 1844 et 1846 de la Perse jusqu'au Tigre.
Entre-deux-guerres
En 1920, le traité de Sèvres qui met fin à l'Empire ottoman prévoit la division de celui-ci en trois États : la Turquie, l'Irak et la Syrie. Il évoque aussi la possible autonomie des provinces kurdes avec à terme la création d'un État kurde indépendant. Cependant en 1923, le traité de Lausanne, signé après le refus du précédent traité par Mustafa Kemal Atatürk, revient sur cette autonomie.
La Seconde Guerre mondiale
Après la Seconde Guerre mondiale
Les Kurdes d'Iran
En janvier 1946, les Kurdes d’Iran proclament à Mahabad la république de Mahabad, mais l'année suivante, celle-ci est écrasée par le régime du dernier chah d'Iran, Mohammad Reza Pahlavi. Ces dernières années plusieurs journalistes, étudiants et miliciens d'origine s'opposant au régime iranien ont été condamnés à la peine de mort.
Les Kurdes d'Irak
Mustapha Barzani, le chef rebelle kurde d'Irak qui obtint en 1970 de Saddam Hussein un pacte de reconnaissance des « droits nationaux et culturels » de son peuple et des États-Unis d'Amérique en 1972 une aide financière considérable.
À la suite de la Guerre du Golfe de 1990 les Kurdes ont pu établir une zone autonome au nord de l'Irak et leur action comme supplétifs des USA apporte des avantages.
Les Kurdes de Turquie
La Turquie est le pays où le question kurde fait la une des journaux chaque jour. La construction de la Turquie kémaliste se fait dès 1923 sur le dénis du fait d'une très forte minorité kurde en son territoire (à l'instar du dénis du génocide arménien)[4]. Les Kurdes n'avaient alors aucun droit que de se fondre dans la nation turque et ont souvent été fortement réprimés[4]. La guerre qui oppose l'armée turque et le PKK fait plusieurs morts chaque semaine depuis 1984. Les Kurdes ont le droit de parler leur langue en Turquie et, signe d'une amélioration, la chaîne publique turque TRT diffuse désormais des programmes en langue kurde dans le Kurdistan turc. Des radios peuvent aussi désormais émettre en langue kurde sans dépasser un certain quota horaire. Mais ces droits accordés aux Kurdes sur le papier n'ont que peu de conséquences dans la réalité[5]. Si l'enseignement de la langue kurde n'est pas autorisé dans les écoles de la République turque, il peut être pratiqué dans les écoles du secteur privé .
En parallèle aux avancées culturelles[réf. nécessaire] entreprises par le parti au pouvoir AKP depuis 2002, le PKK a intensifié ses attaques afin de déstabiliser les régions kurdes du Sud-Est[réf. nécessaire]. Un signe de réconciliation des Kurdes avec l'État turc serait toutefois entrevu par certains[réf. nécessaire] avec le score obtenu par l'AKP à Diyarbakir lors des élections législatives de 2007 (41 %)[6].
Les Kurdes de Syrie
Les Kurdes et les non-Arabes forment 10% de la population de la Syrie ; un total d'à peu près 1,9 million de personnes. Cela fait d'eux la minorité la plus importante de ce pays. La population kurde est concentrée principalement au nord-est et au nord mais il y a aussi des populations significatives à Alep et à Damas. Les activistes kurdes des droits de l’Homme sont souvent maltraités et persécutés.
Plusieurs techniques sont utilisés pour minorer l'identité kurde en Syrie : différentes lois interdisent l'utilisation de la langue kurde, peuvent interdire la reconnaissance des enfants sous des noms d'origine kurde, les noms de lieux géographiques en langue kurde sont remplacé par des noms arabes, de même certaines entreprises doivent être renommés avec des noms arabes, et enfin les écoles privées kurdes et certains livres sont interdits.
Le « grand Kurdistan », une idée toujours vivante ?
Le projet d'un « grand Kurdistan » est né à la fin du XIXe siècle. Divisés depuis 1639 entre les Empires perse et ottoman, les Kurdes revendiquent à l'époque l'unité d'un territoire où leur peuple, d'origine indo-européenne, vit depuis l'Antiquité. En 1920, après la chute de l'empire ottoman, les puissances alliées promettent la création d'un grand État du Kurdistan. Mais celui-ci ne verra jamais le jour. En 1923, le peuple kurde est plaçé sous l'autorité de quatre pays : la Turquie, l'Iran, la Syrie (protectorat français) et l'Irak (protectorat britannique). Quatre-vingt-cinq ans plus tard, le Kurdistan (littéralement « pays des Kurdes ») reste un territoire mythique, sans frontières reconnues, et les Kurdes une nation sans État. Niés dans leur identité, les quelque trente millions de Kurdes du Moyen-Orient n'ont pourtant cesser de lutter pour faire reconnaître leurs droits culturels et politiques, face à des États centralisateurs et répressifs. Mais les divisions linguistiques et religieuses les ont conduits à lutter en ordre dispersé. Par ailleurs, les zones kurdes sont riches en pétrole et en eau, ce qui renforce les enjeux du combat. A l'exception de l'éphémère République kurde de Mahabad (1946), en Iran, le rêve d'un grand Kurdistan s'est peu à peu émoussé. Seul le parti des travaileurs du Kurdistan (PKK) a ranimé en Turquie, dans les années 1980, la flamme d'un « grand Kurdistan libre et démocratique ». Ailleurs, les partis politiques kurdes ont tous opté pour un objectif plus modeste : l'autonomie de chaque minorité kurde dans le cadre des États existants. La stratégie s'est révélée payante en Irak : depuis 1991, les Kurdes gèrent de façon autonome leur région. Exemplaire pour tous les Kurdes, cette victoire historique pose une nouvelle fois la question d'un « grand Kurdistan ».
La diaspora Kurde en Europe
Les Kurdes d'Allemagne
Il y a environ 600 000 kurdes en Allemagne.
Les Kurdes de France
On estime qu'il y a plus ou moins 130 000 Kurdes en France.
L'Institut kurde de Paris constitue actuellement un grand centre d'étude de la langue kurde (kurmandji, sorani) et de la culture kurde.
Plusieurs associations kurdes existent dans les grandes villes de l'hexagone notamment le centre culturel kurde Ahmet-Kaya de Paris qui organise plusieurs activités culturelles et sportives. Le siège de la fédération des associations kurdes de France (FEYKA) est lui aussi basé à Paris. Celle-ci entretient des relations avec les divers partenaires sociaux français.
Les Kurdes de Belgique
La diaspora kurde de Belgique dispose d'une télévision en langue kurde: Roj TV.
Kurdes célèbres
- Abdullah Öcalan, fondateur du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ;
- Leyla Zana, femme politique kurde ;
- Le sultan Saladin ;
- Yilmaz Güney, acteur, réalisateur et scénariste. Palme d'or du festival de Cannes en 1982 pour le film Yol, la permission ;
- Hiner Saleem, cinéaste ;
- Howar Mulla Mohamed, joueur de l'équipe nationale de football irakienne ;
- Shwan Jaffar , metteur en scène de théâtre, a écrit plusieurs articles sur le théâtre kurde, notamment Les Kurdes par delà de l'exode, aux éditions l'Harmattan et Kurden im Exi aux éditions Parabilis. Il a mis en scène Mem u Zin à Paris en 1994, Kardo en 1996 à Toulouse, Aulnay et à Paris et Azady l'être kurde en 2000 à Paris et à Cherbourg ;
- Jalal Talabani, homme politique irakien et kurde. Il a été élu président d'Irak par l'Assemblée nationale transitoire le 6 avril 2005 réélu pour un second mandat le 22 avril 2006. Il est aussi le fondateur de l'Union patriotique du Kurdistan ;
- Massoud Barzani, président du gouvernement autonome kurde, en Irak et le chef du Parti Démocratique du Kurdistan depuis 1979 ;
- Şivan Perwer ;
- Ahmet Kaya, chanteur, écrivain et compositeur. Exilé en Europe à la suite d'une intervention lors d'une soirée organisée par l'association de la presse turque dans laquelle il déclare au public qu'il souhaite faire un clip et des chansons en kurde.
- Benazir Bhutto, femme politique. Sa mère est d'origine kurde[7] ;
- Yasar Kemal, romancier et journaliste. Il reçoit la médaille de la légion d'honneur en 1984 ;
- Omid Kordestani, vice-président directeur, chargé du développement des activités et des ventes internationales du moteur de recherche Google.
Dynasties médiévales
- Shaddides (951–1075)
- Hasanwayhides (959–1095)
- Marwanides (984–1083)
- Annazides (991–1117)
- Cheddadides (1022-1161)
- Barrides (1101–1312)
- Zengides (1127–1250)
- Kurkborides (1144–1232)
- Ardalans (1168–1861)
- Ayyoubides (1169–1260)
Notes et références
- Philip G. Kreyenbroek et Stefan Sperl dans The Kurds, (Routledge, 1992, 250 pp., ISBN 0415072654, 9780415072656) les différencient linguistiquement des Mèdes avec qui ils ont pourtant été souvent assimilés (p.70)
- Xénophon, Anabase, La retraite des dix mille
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- Gérard Chaliand, Atlas du nouvel ordre mondial, Robert Laffont, Paris, 2003, (ISBN 2-221-10039-5) p. 120.
- Gérard Chaliand, op. cit., p. 122.
- [1]
- http://www.institutkurde.org/info/special/2007/benazir_bhutto/
Voir aussi
Articles connexes
Gouvernements et États kurdes contemporains
- Kurdistan irakien
- République de Mahabad (1946)
- République d’Ararat (1927-1931)
- Royaume du Kurdistan
Les partis politiques kurdes
- Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)
- Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK)
- Union patriotique du Kurdistan (UPK)
- Parti démocratique du Kurdistan (PDK)
Liens externes
Bibliographie
- William Eagleton Jr., La République kurde, Éditions Complexe, 1991, 321 p. (ISBN 2870274181).
- Sabri Cigerli (préf. Jack Lang), Les kurdes et leur histoire, l'Harmattan, 1999, 194 p. (ISBN 2-7384-7662-7).
- Sabri Cigerli (préf. Jean-Marie Demaldent), Les réfugiés kurdes d'Irak en Turquie : Gaz, Exode, Camps, l'Harmattan, 1998, 320 p. (ISBN 2-7384-7009-2)
- Sabri Cigerli et Didier Le Saout, Öcalan et le PKK : les mutations de la question Kurde, Maisonneuve & Larose, 2005, 422 p. (ISBN 2706818859).
- (en) La géographie politique du Kurdistan, Carl Dahlman, 2002
- Basile Nikitine, Les Kurdes, Introuvable, 1975 (ASIN B0017VZXM6).
- Christian More, Les Kurdes aujourd'hui : mouvement national et partis politiques, l'Harmattan, 1984, 310 p. (ISBN 2-85802-408-9[à vérifier : ISBN invalide])
- Human Rights Watch, Génocide en Irak : la campagne d'Anfal contre les Kurdes, Karthala, coll. « Homme et Société : Sciences économiques et politiques » 2003, 405 p. (ISBN 2845863454).
- Chris Kutschera (dir.) (préf. Bernard Kouchner), Le Livre noir de Saddam Hussein, Oh ! éditions, 2005, 700 p. (ISBN 2915056269).
- François Balsan, Les surprises du Kurdistan, Coll. Voyages et Aventures, Paris, J. Susse, 1944.