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Jérôme Ducros

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Jérôme Ducros en 2011

Jérôme Ducros est un pianiste et compositeur français né à Avignon le [1].

Biographie

Après des études au Conservatoire d’Orléans avec Françoise Thinat, il entre en 1990 au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris dans la classe de Gérard Frémy et Cyril Huvé. Il y obtient un Premier Prix de piano à l’unanimité avec félicitations du jury en 1993, puis intègre le cycle de perfectionnement jusqu’en 1995. Il suit les master-classes de Christian Zacharias, György Sebök et Leon Fleisher. En 1994, il remporte le Deuxième Prix du Concours International Umberto Micheli à Milan, concours créé par Maurizio Pollini qui siégeait au jury présidé par Luciano Berio. Il y obtient également le Prix spécial pour la meilleure interprétation de l’œuvre imposée, Incises de Pierre Boulez[2].

Il poursuit depuis une carrière de concertiste qui l’amène à jouer dans des salles telles que le Théâtre des Champs-Élysées, le Théâtre du Châtelet, la Salle Pleyel, le Concertgebouw d’Asterdam, le Wigmore Hall de Londres, le Carnegie Hall de New-York, la Philharmonie de Berlin. Parmi ses partenaires de musique de chambre : Renaud Capuçon, Gautier Capuçon, Paul Meyer, Michel Portal, Nicholas Angelich, Frank Braley, Jérôme Pernoo, Gérard Caussé, le Quatuor Ébène. Il accompagne des chanteurs tels que Dawn Upshaw, Ian Bostridge, Diana Damrau, Angelika Kirchschlager[2]. Depuis 2007, il donne régulièrement des concerts de mélodies françaises avec Philippe Jaroussky[3].

Jérôme Ducros compose depuis ses plus jeunes années, mais n’a rendu publique cette partie de son activité qu’en 2006, à la création de son Trio pour deux violoncelles et piano[4]. En mai 2013 paraît En aparté, première monographie de l'œuvre de Ducros, contenant son Quintette avec piano et son Trio pour violon, violoncelle et piano.

La polémique du Collège de France

Le 20 décembre 2012, Jérôme Ducros donne au Collège de France, dans le cadre de la chaire de création artistique de Karol Beffa, une conférence intitulée « L’atonalisme. Et après ? »[5],[6]. Il y compare les moyens discursifs du langage tonal et des langages non-tonaux, donnant largement l’avantage aux premiers, et considère le retour de la tonalité comme inéluctable[7].

Cette conférence suscite rapidement une vive polémique dans le milieu musical[8]. Le musicologue Claude Abromont réagit le 29 décembre puis le 6 janvier dans deux articles distincts, le premier[9] consacré à la conférence proprement dite, le second[10]consacré à la musique de Jérôme Ducros. On peut lire dans le premier : « Au lieu d’un éclairage serein des univers stylistiques respectifs que permet le recul actuel, une charge outrancière, caricaturale et sans références précises aux études déjà publiées, fut menée contre la musique atonale. Les arguments m’ont semblé si extravagants que j’ai ressenti le besoin d’en donner une lecture complémentaire. » Suivent beaucoup d’exemples musicaux destinés à invalider l’argumentaire de Ducros. Les réseaux sociaux alimentent ensuite la polémique. Selon Emmanuel Dupuy[11],[12], rédacteur en chef de Diapason, Jérôme Ducros y est traité à plusieurs reprises de « nazi » par des personnalités du milieu musical. Selon Michèle Worms[13], directrice de la rédaction de La Lettre du Musicien, il y est accusé de « révisionnisme » et de « négationnisme ».

Jérôme Ducros le 20 décembre 2012 au Collège de France

Le 5 février 2013, le compositeur Pascal Dusapin, lui-même titulaire de la chaire de création artistique du Collège de France pour l’année 2006-2007, écrit une lettre[14] à l’administrateur du Collège de France, Serge Haroche, avec copie à tous les professeurs, dans laquelle il parle de « révisionnisme musical » et regrette notamment « qu’une institution aussi digne ait laissé un tel espace à si peu d’esprit et d’entendement » : « Comment le Collège de France - qui accueille certains des plus grands penseurs de la planète - et dont vous êtes le garant des principes fondateurs peut-il être compagnon d'une telle indigence ? Les principes multiséculaires nobles et profonds du Collège de France ont été bafoués par une extrême incorrection intellectuelle qui a pris la forme d'un discours - non d'un cours - proféré avec une détermination sans nuance ni empathie avec son sujet mais seulement par le ressentiment d'une histoire qui submerge son auteur. » Ne recevant aucune réponse à cette lettre, et sur le conseil de Pierre Boulez, que cette conférence « a rendu furieux » selon Le Nouvel Observateur[15],[16], il rend sa lettre publique.

Emmanuel Dupuy prend la défense de Jérôme Ducros dans l’éditorial du numéro d’avril 2013 de Diapason[11]: « Pourquoi tant de haine ? Sans doute parce que dans le miroir que Ducros leur a tendu, les tenants de la modernité officielle se sont trop bien reconnus. » Arnaud Merlin répond à Emmanuel Dupuy dans Les lundis de la contemporaine sur France-Musique le 25 mars, lui reprochant notamment de méconnaître la diversité de la musique contemporaine et de ne jamais fréquenter les concerts qui lui sont consacrés[17]. Emmanuel Dupuy réplique dans son éditorial du numéro de juin 2013 de Diapason[12]. Il revient à la polémique et à la « reductio ad Hitlerum » dont, selon lui, les détracteurs de la conférence de Jérôme Ducros ont souvent fait usage parce qu’ils étaient « à court d’arguments ». « Lu sur les réseaux sociaux, à propos de la conférence de Jérôme Ducros, écrit-il : "C’est le IIIe Reich au Collège de France… Il va finir par parler de musique dégénérée." Et à propos de ma coupable bafouille : "Il semble que le terme de musique contemporaine commence ces temps-ci à ressembler à une insulte... Comme on a parlé de juif ou de cosmopolite en d’autres temps." »

Au mois de mai 2013, le compositeur Philippe Manoury publie sur son blog une réponse détaillée et argumentée à la conférence de Ducros[18]. Émaillé d’exemple musicaux (Stravinsky, Debussy, Webern, Boulez, Stockhausen, Manoury…) qui, selon Manoury, contredisent les affirmations de Ducros, le texte se conclut par des remarques plus générales sur « le langage du ressentiment » : « Comment comprendre qu’un tel discours ne se contente que d’une avalanche de récriminations sans que rien ne soit dit des promesses supposées d’un retour aux valeurs tonales ? Mises à part les quelques phrases flatteuses, ô combien complaisantes, sur les beautés de la musique de son hôte Karol Beffa, Jérôme Ducros ne nous donne pas le moindre exemple de ce à quoi il aspire, hormis ce grand retour salvateur. Rien n’est dit sur la nécessité intérieure qu’il y aurait à composer à nouveau des œuvres franchement tonales et tout empreintes des caractéristiques de la musique romantique. Rien n’est dit sur l’urgence de créer des mondes sonores qui auraient leur propre authenticité grâce à l’invention de quelque forme d’expression nouvelle. Ce qui transparaît cependant, caché sous un chapelet de rictus sans joie, est un désir de revanche, de reconnaissance sociale et institutionnelle. » Le 25 mai 2013, dans un article du Huffington Post intitulé « Quelle mouche a piqué le compositeur Pascal Dusapin ? »[19], Olivier Bellamy prend la défense de Jérôme Ducros : « Étrange pays où l'on peut écrire des livres personnels à la manière de Maupassant en fustigeant les expériences du Nouveau Roman, mais où l'on n'a pas le droit de faire de même en musique sans se faire traiter de "révisionniste". »

Collège de France

Le Nouvel Observateur du 30 mai 2013, sous la plume de Jacques Drillon, consacre trois pages à la polémique[15],[16]. Pascal Dusapin y précise les raisons de la publication de sa lettre : « J'interpellais le Collège de France, non sur le fond de ce discours, mais sur la manière. Ducros, dans un endroit où sont passés Lévi-Strauss, Bourdieu, Foucault, Barthes, Boulez et les autres ! […] Beffa n’a pas fait de polémique, mais il invite Ducros, qui le fait à sa place, et qui est connu dans le métier pour défendre… je ne sais pas quoi. Pour moi, c’est une indignité, un déshonneur fait au Collège de France. J’adore cette institution […] et j’ai mal supporté que Ducros y maltraite comme il l’a fait le code en vigueur dans cette maison depuis François Ier. Et cela, au frais des contribuables, dont je suis. » Dans le même article, Jacques Bouveresse, qui avait assisté à la conférence, réfute les accusations de Pascal Dusapin : « Je ne sais pas s'il existe des critères aussi précis que semble le croire Dusapin pour décider si une conférence présente ou non les caractéristiques nécessaires pour pouvoir être donnée au Collège de France. Mais je peux dire en tout cas au moins ceci : dans les limites de ma compétence sur le sujet et sur la base de l'expérience que j'ai eue de ces choses au cours des quinze années durant lesquelles j'ai enseigné au Collège de France et des comparaisons que cela me permet de faire, je ne vois rigoureusement rien dans l'exposé de Jérôme Ducros, auquel j'ai assisté, qui autorise à affirmer qu'il n'avait pas sa place au Collège de France. » Karol Beffa à son tour, toujours dans Le Nouvel Observateur, répond à Pascal Dusapin : « Il n’y avait ni "polémique", ni "sarcasme", ni "haine" dans l’intervention de Ducros. Il y avait une part d’ironie, mais cela fait partie de la liberté d’expression. Ducros prenait ses références du côté du sens commun, voilà ce qui l’a choqué. » Jérôme Ducros lui-même intervient : « J'ai été surpris qu'un compositeur consacré comme Pascal Dusapin, qui a tous les honneurs et toutes les commandes, prenne sur son temps pour se manifester ainsi. D'autant que ce n'est pas moi qui suis titulaire de la chaire de création. J'y suis intervenu comme invité. […] Le divorce public-compositeurs est dû à une véritable rupture dans le langage musical. […] S'il est interdit d'en parler, qu'on le dise, qu'on vote une loi ! Je m'amuse de ce que Dusapin vante la liberté d'expression qui règne au Collège, et qu'il s'insurge dans le même temps qu'on puisse y tenir des propos comme les miens. »

Le 4 juin 2013, dans Le Figaro, Christian Merlin attaque les idées de Ducros[20],[21] : « C'étaient les arguments de ceux qui déclarèrent la musique de Schönberg "dégénérée" : Furtwängler qualifiant la musique atonale de "biologiquement faible", Ernest Ansermet citant la musique dodécaphonique en même temps que la psychanalyse et la théorie de la relativité comme ferments du déclin de la civilisation. On pense aussi à la ménagère qui, devant un tableau de Picasso, s'exclame : "Mon fils de 3 ans fait aussi bien ! " Face à tant de poujadisme et de mauvaise foi, Pascal Dusapin, Philippe Manoury et d'autres réagissent, avec raison. Et aussitôt noms d'oiseaux et procès d'intention fusent, chacun accusant l'autre de haine et d'intolérance. On se demande comment un homme aussi sensible et intelligent que Karol Beffa, professeur à l'École normale supérieure, peut cautionner une telle régression intellectuelle. » Le même jour, l’écrivain Pierre Jourde publie un billet sur son blog[22] où il prend la défense de Ducros et Beffa : « Je vous invite instamment à suivre cette conférence sur internet, même si vous n’êtes pas familiers du langage musical, elle est claire, brillante, passionnante de bout en bout, et, ce qui ne gâte rien, pleine d’humour. […] Or cette conférence, savante, réfléchie, mesurée, jamais gratuitement polémique ni bêtement agressive, suscite une agitation auprès de laquelle la querelle des bouffons, au XVIIIe siècle, passerait pour un aimable échange de politesses. […] La réaction que l’on attendrait face à des propositions aussi stimulantes que celles émises par Ducros serait une discussion point par point de ses arguments. Ce serait mal connaître les académiques contemporains, les révolutionnaires institutionnels et décorés. On l’a vu naguère à propos de Jean-Philippe Domecq, lorsqu’il se permettait de remettre en cause, en argumentant de manière pondérée, une certaine doxa de l’art contemporain ou de la littérature contemporaine. Ce ne sont pas des arguments qui lui ont été opposés, mais une campagne systématique de démolition, un assassinat symbolique. »

Jérôme Ducros le 20 décembre 2012 au Collège de France

Le 1er juillet 2013, un débat sur la polémique est diffusé sur France-Musique, réunissant notamment, autour d’Arnaud Merlin, Gérard Condé, Claude Abromont et Karol Beffa. Le 13 juillet 2013, Benoît Duteurtre, lui-même auteur d’une polémique en 1995 à la parution de son Requiem pour une avant-garde[23], publie dans Marianne un article[24] où il défend Ducros. « [Ducros] trouve la "musique contemporaine", telle qu’elle s’écrit depuis un demi-siècle, souvent stérile et rébarbative. Ce point de vue, qui rejoint celui de nombreux mélomanes, a fait l’effet d’une bombe depuis que Ducros, invité à une séance au Collège de France, a lâché le morceau au cours d’une conférence pleine d’ardeur polémique. Il n’en a pas fallu plus pour que le petit monde de l’avant-garde, sortant de sa léthargie subventionnée, crie au retour des heures sombres des années 30. »

Jérôme Ducros lui-même s’est apparemment peu exprimé sur la question. En juin 2013, à l’occasion de la sortie du premier disque consacré à sa musique[25], il accorde une courte interview à la revue Classica[26], où il revient brièvement sur la polémique : « Le paysage de la musique savante au XXe est inédit : musique contemporaine réduite à la portion congrue, interprètes consacrant leur carrière aux morts, séparation interprète-compositeur… Pourquoi ? Deux hypothèses sont à rejeter : celle, éculée, d’une frilosité générale des mélomanes ; l’autre, absurde, d’une pénurie de bons compositeurs : il y en a bien sûr autant qu’avant. Reste alors le langage. L’abandon de la tonalité au sens large marque une véritable rupture, à nulle autre comparable, qui touche aux fondements de la perception. […] En fait de critiques, j’ai surtout lu des insultes… Cela m’a d’autant plus interloqué que j’ai toujours aimé les différends intellectuels, la discussion. Le désaccord, loin de réduire dans mon estime la valeur de mon contradicteur, enrichit mes relations avec lui. Je sais de longue date que des musiciens admirables, des gens qui m’ont élevé, qui m’ont aidé, ne partagent pas forcément mes points de vue. Et alors ?! Devrais-je pour cela leur refuser mon admiration ou ma gratitude ? Jeter des noms en pâture sur les réseaux sociaux ? Allons ! ».

Au mois de juin 2013, à l’occasion d’une autre interview pour le site pianobleu.com[27], Ducros précise les raisons qui l’ont poussé à n’intervenir que très peu publiquement : « Je m’exprimerai sur la question quand la tempête se sera calmée, ce qui n’est pas encore le cas puisque la sortie de ce disque tend à la raviver. "On ne questionne pas un homme ému", écrit René Char : je suis trop directement concerné par la violence et l’ampleur des attaques pour y répondre comme il se doit, c’est-à-dire sereinement. Imaginez un instant que je reprenne le "débat" là où il en est arrivé : "Idiot vous-même, aigri vous-même, nazi vous-même ! ", ça aurait de la tenue… Je n’ai jamais formulé une seule attaque personnelle à l’encontre de quiconque, et ce n’est pas maintenant que je vais m’y mettre. La seule chose que je puisse dire à l’heure qu’il est, c’est que cette polémique dépasse de très loin ma conférence, ma musique et ma petite personne. Qui pourrait croire que je suis assez dangereux pour mériter que les plus grandes sommités du milieu se mettent en quatre pour me faire taire ?! Sérieusement, personne. Cette affaire nous parle en réalité de problèmes plus profonds, qu’il conviendra d’analyser en temps voulu, avec le recul nécessaire. »

Le 9 novembre 2013, Alain Finkielkraut consacre son émission Répliques à cette polémique, et plus généralement à l'avenir de la musique contemporaine, en invitant Karol Beffa et Philippe Manoury à en débattre avec lui[28]. Le 2 décembre 2013, Pierre Jourde publie à nouveau un article consacré à la polémique[29]. Il y mentionne un texte de Jérôme Ducros : « Attaqué, vilipendé, défendu, Ducros s’est tenu à l’écart de l’agitation. Il vient de rédiger un long mémorandum, 94 pages en petits caractères, autant dire un livre, Réponse à Philippe Manoury, dans lequel il réplique point par point, phrase par phrase à ce compositeur qui a été l’un de ses plus sévères accusateurs. » Pierre Jourde s'appuie sur le texte en question pour s'adresser à Jacques Drillon. Ce dernier, dans un article du Nouvel Observateur du 30 mai 2013[15],[16], avait avancé que la réponse de Manoury à la conférence de Ducros[18] resterait « dans les annales de la rigueur », ce que Ducros semble contester : « Si [Jacques Drillon] prend la peine de lire le long texte, très fouillé, de Jérôme Ducros, il s’apercevra que la rigueur n’est peut-être pas du côté qu’il croit, et que le texte de Manoury fourmille d’inexactitudes, d’à-peu-près, et par-dessus tout répond à un discours qui n’est pas celui de Ducros, auquel il attribue même des termes que ce dernier n’a jamais employés. Comme rigueur, on fait mieux. » Il conclut son article sur une citation du texte de Ducros, où l'auteur revient sur les attaques personnelles dont il a été l'objet : « il importe de regarder les attaques en face, et même de tendre l’autre joue. Car leur bassesse, que l’on pourrait croire purement formelle, tant elle semble n’avoir trait qu’à la déroute intellectuelle de ceux qui s’y adonnent, touche en réalité à un point crucial qu’on ne doit pas occulter : celui de l’état chancelant d’un courant artistique qui refuse depuis toujours d’être soumis à la moindre critique. »

Écrits sur la musique

Jérôme Ducros a publié dans la revue Commentaire n°129, parue au printemps 2010, un texte qui défend le retour de la tonalité en musique. Il y ébauche une histoire de la modernité dans laquelle il dissocie esthétique et attitude modernes, considérant que c'est une erreur de confondre les deux[30].

« L’attitude moderne (en gros, l’insoumission), est un invariant de l’histoire de l’art, compagne de toutes les révolutions, moteur de tous les changements. L’esthétique moderne, en revanche, n’est que l’esthétique d’une époque : en l’occurrence aujourd’hui celle du XXe siècle. Pour la musique, elle présuppose entre autres l'atonalisme, selon une décision multilatérale vieille d'une centaine d'années environ. [...] Aux grandes heures de la modernité (Stravinsky, Picasso…), attitude et esthétique allaient de pair dans des œuvres souvent saisissantes. Désormais, soit je choisis l’esthétique moderne (et mon attitude sera alors typiquement anti-moderne, puisque je souscrirai aux canons que mes professeurs ou mes prédécesseurs m’auront imposés), soit je choisis l’attitude moderne (qui entraînera de ma part un rejet de l’esthétique imposée, donc de la modernité, dont il sortira une œuvre littéralement anti-moderne). Si l’on admet que la vraie modernité se doit de conjuguer une attitude et une esthétique qui lui soient entièrement soumises, on est forcé de conclure qu’il est impossible aujourd’hui d’être moderne. »

Il a publié le 16 avril 2010 dans le journal Libération une tribune libre où il reprend en les résumant les grandes lignes de l’article pré-cité, en y ajoutant qu’après les expériences artistiques extrêmes du XXe siècle, tout acte artistique est inévitablement un retour :

« […] les contemporains certifiés conformes sont eux-mêmes, après tout, rétrogrades. L’épopée de l’art, si l’on s’en tient à la vision darwinienne qui lui sert d’histoire officielle, est close. Les Modernes emblématiques ont mis un terme à cette grande aventure qui a exhaussé l’homme au-delà de sa condition première, qui a transfiguré l’artisan modeste qui doute de ses mains en artiste génial qui ne doute pas de son talent, qui a offert à nos sens tous les degrés possibles de la contemplation, de Lascaux à la toile blanche, du plain-chant au silence de Cage, de la sculpture antique à l’urinoir. En un mot : de l’œuvre sans signature à la signature sans œuvre. Le summum du moderne ayant été atteint, écrire après, quoiqu’il arrive, c’est «revenir». Comment s’étonner dès lors que l’on plaide pour une remise en cause radicale des dogmes vingtiémistes plutôt que pour leur perpétuation sous une forme édulcorée [31]? »

Discographie sélective

Œuvres principales

  • Encore pour violoncelle et piano (2000)
  • Private Joke pour violoncelle et piano (2003)
  • Trio pour deux violoncelles et piano (2006)
  • Trio pour violon, violoncelle et piano (2007)
  • La Mort du Poète (poème d'Alphonse de Lamartine), pour voix de basse, quatuor à cordes et piano (2008)
  • Quintette pour piano et cordes (2009)
  • Les Heures Claires (poème d'Émile Verhaeren), pour mezzo-soprano, clarinette, violoncelle et piano (2010)
  • Fantaisie pour violoncelle et piano (2012)

Références

  1. http://www.pianobleu.com/jerome_ducros.html
  2. a et b http://www.valmalete.com/seeartist.php?modif=96
  3. http://www.concerts.fr/Biographie/jerome-ducros
  4. Dans le programme du concert du 16 octobre 2011 au Théâtre Saint-Louis de Pau, il écrit : « Quoique composant régulièrement depuis mes jeunes années, je ne me suis résolu à rendre publique cette facette de mon activité que récemment. Je dois remercier les amis musiciens qui m’y ont incité, sans lesquels je n’aurais peut-être pas encore osé assumer le décalage temporel (devrais-je dire l’u-chronie, comme on dit utopie ?) dont ma musique peut sembler porteuse. »
  5. http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-12-20-15h00.htm#%7Cq=../karol-beffa/seminar-2012-2013.htm%7Cp=../karol-beffa/seminar-2012-12-20-15h00.htm%7C
  6. http://www.youtube.com/watch?v=Yot1zZAUOZ4
  7. cf. notamment : L’atonalisme en question au Collège de France, La Lettre du musicien n°427, janvier 2013
  8. cf. notamment La haine de soi, par Emmanuel Dupuy, Diapason n°612, avril 2013, p. 22 ; éditorial de La Lettre du musicien n° 433, mai 2013
  9. http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-JMV/Les-BF-de-C.-Abromont/Debats/Tonal-atonal-retour-vers-le-futur
  10. http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-JMV/Les-BF-de-C.-Abromont/Debats/La-musique-post-musique
  11. a et b La haine de soi, par Emmanuel Dupuy, Diapason n°612, avril 2013, p. 22
  12. a et b Le PC et les néonazis, par Emmanuel Dupuy, Diapason n°614, juin 2013, p. 24
  13. La Lettre du musicien, éditorial du n° 433, mai 2013
  14. http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/04/lettre-de-pascal-dusapin-au-directeur.html
  15. a b et c Musique : c'est la guerre ! par Jacques Drillon, Le Nouvel Observateur n°2534, 30 mai 2013, pp. 118-120
  16. a b et c http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20130606.OBS2222/musique-c-est-la-guerre-au-college-de-france.html
  17. http://www.francemusique.fr/emission/les-lundis-de-la-contemporaine?e_id=80000067&d_id=515006324
  18. a et b Mais de quoi donc ce “néo” veut-il nous parler ? http://www.philippemanoury.com/?p=5182
  19. http://www.huffingtonpost.fr/olivier-bellamy/pascal-dusapin-musique_b_3324837.html?utm_hp_ref=fb&src=sp&comm_ref=false
  20. Aimez-vous la musique contemporaine ? par Christian Merlin, Le Figaro du 4 juin 2013
  21. http://www.lefigaro.fr/musique/2013/06/04/03006-20130604ARTFIG00232-aimez-vous-la-musique-contemporaine.php
  22. http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/06/04/une-querelle-musicale.html
  23. http://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_Duteurtre
  24. Une avant-garde qui recule, par Benoît Duteurtre, Marianne n°847, 13 juillet 2013, p. 87
  25. En aparté, œuvres de Jérôme Ducros, DECCA, 2013
  26. Jérôme Ducros, Peut-on encore être moderne ?, propos recueillis par Bertrand Dermoncourt, Classica n° 153, juin 2013, p.12
  27. http://www.pianobleu.com/actuel/quintette-trio-piano-jerome-ducros-disque201306112.html
  28. http://www.franceculture.fr/emission-repliques-13-14-ou-va-la-musique-contemporaine-2013-11-09
  29. http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/12/02/une-querelle-musicale-suite-514819.html
  30. Jérôme Ducros : Le néo, l'impasse et le moderne http://www.commentaire.fr/revue/128/revue-129-printemps-2010.html
  31. Jérôme Ducros : Y a-t-il une musique après la musique contemporaine ? http://next.liberation.fr/musique/0101630460-y-a-t-il-une-musique-apres-la-musique-contemporaine

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