Pierre le Vénitien
Pierre le Vénitien | |
Pierre le Vénitien sur une enluminure du Chronicon Pictum. | |
Titre | |
---|---|
Roi de Hongrie | |
– | |
Prédécesseur | Étienne Ier |
Successeur | Samuel Aba |
– | |
Prédécesseur | Samuel Aba |
Successeur | André Ier |
Biographie | |
Dynastie | Orseolo (Árpád par sa mère) |
Nom de naissance | Pietro Orseolo |
Date de naissance | 1010 ou 1011 |
Lieu de naissance | Venise |
Date de décès | 1046 ou vers 1060 |
Lieu de décès | Székesfehérvár |
Père | Ottone Orseolo |
Mère | Une fille du duc Géza |
|
|
modifier |
Pierre de Hongrie, ou Pierre le Vénitien (en hongrois : Velencei Péter ; né Pietro Orseolo en 1010 ou 1011 et mort en 1046 ou vers 1060), occupa le trône de Hongrie à deux reprises. Il succéda une première fois à son oncle Étienne Ier en 1038. Toutefois, son favoritisme à l'égard des étrangers provoqua un soulèvement qui entraîna sa déposition en 1041. Trois ans plus tard, il remonta sur le trône avec l'aide d'Henri III du Saint-Empire. Pierre accepta la suzeraineté de ce dernier durant son second règne qui s'acheva en 1046 des suites d'une révolte païenne. Les chroniques hongroises s'accordent à dire que Pierre fut exécuté sur l'ordre de son successeur, André Ier. Néanmoins, l'historien Cosmas de Prague fait référence dans sa Chronique des Bohémiens à un présumé mariage de Pierre vers 1055, suggérant que le souverain aurait survécu à sa seconde déposition.
Biographie
[modifier | modifier le code]Avant 1038
[modifier | modifier le code]Né à Venise, Pierre était le seul fils du doge Ottone Orseolo[1]. Sa mère était une sœur d'Étienne Ier, premier roi de Hongrie[2]; selon l'historien Gyula Kristó, il naquit en 1010 ou 1011[1]. Les Vénitiens se soulevèrent et déposèrent Ottone Orseolo[3] en 1026[1]. Pierre ne suivit pas son père, qui fuit à Constantinople[3],[1], mais trouva refuge en Hongrie, auprès de son oncle qui le nomma commandant de l'armée royale[4].
Émeric, seul fils d'Étienne Ier à avoir atteint l'âge adulte, mourut lors d'un accident en 1031[5]. Lorsque le roi dut choisir son successeur, il écarta son cousin Vazul, dont la revendication était pourtant très forte, et lui préféra Pierre[6]. Sur l'ordre d'Étienne, Vazul fut aveuglé peu de temps après et ses trois fils — Levente, André et Béla — exilés, renforçant les droits de Pierre à la succession[7],[8]. Le roi demanda également à Pierre de jurer de respecter les biens de sa femme, Gisèle de Bavière, suggérant que les relations de Pierre avec sa tante étaient tendues[9].
Premier règne (1038-1041)
[modifier | modifier le code]Pierre succéda à Étienne Ier à sa mort, le [10], et se lança dans une politique étrangère active[5],[11]. Les troupes hongroises pillèrent la Bavière en 1039 et 1040 et envahirent la Bohême en 1040 afin d'aider le duc Bretislav Ier contre l'empereur Henri III[12]. Les chroniques hongroises racontent que Pierre préférait la compagnie des Allemands (« qui rugissaient comme des bêtes sauvages ») et des Italiens (« qui bavardaient et gazouillaient comme des hirondelles »)[13], ce qui le rendit impopulaire auprès de ses sujets[5],[7]. En outre, il introduisit de nouveaux impôts, se saisit des recettes de l'Église[5] et destitua deux évêques[14].
Audacieusement, Pierre confisqua les biens de sa tante Gisèle et la garda en détention[5]. Elle chercha de l'aide auprès des seigneurs hongrois qui rendaient l'un des favoris de Pierre (Budo) responsable des méfaits du monarque et demandaient qu'un procès lui soit fait[15]. Devant le refus du roi, les seigneurs capturèrent l'impopulaire conseiller qui fut mis à mort[15] et renversèrent le monarque en 1041[4]. Ils élurent un nouveau roi, Samuel Aba, qui se trouvait être un beau-frère[16] ou un autre neveu[5] d'Étienne Ier.
« Dès qu'il commença son règne, Pierre jeta de côté toute trace de la patience nécessaire à la majesté du monarque et, en association avec les Allemands et les Latins, s'enragea d'une fureur teutonique, traitant les nobles du royaume avec mépris et dévorant la richesse des terres “avec un œil fier et un cœur insatiable”. Fortifications, châteaux et chaque poste dans le royaume furent enlevés aux Hongrois et donnés aux Allemands et aux Latins. De plus, Pierre menait une vie très dissolue et ses parasites se comportaient avec une luxure honteuse et débridée, assaillant violemment les épouses et les filles des Hongrois partout où le roi voyageait. Personne, en ce temps-là, ne pouvait être sûr de la virginité de son épouse ou de sa fille au vu de l'importunité des courtisans de Pierre.
Exil (1041-1044)
[modifier | modifier le code]Pierre trouva d'abord refuge en Autriche[4], recherchant la protection de son beau-frère, le margrave Adalbert[15]. Il se rapprocha également de l'empereur Henri III afin d'obtenir de l'aide contre Samuel Aba[15]. Le nouveau souverain hongrois envahit la marche d'Autriche en , mais Adalbert mit son armée en déroute[18]. Henri III lança sa première expédition contre la Hongrie début 1042[19]. Parties du Danube, ses forces avancèrent jusqu'à la rivière Garam (Hron, en Slovaquie)[19]. L'empereur envisageait de restaurer Pierre, mais les habitants y étaient fortement opposés[19]. Par conséquent, Henri III nomma un autre membre (dont le nom est inconnu[20]) de la famille royale hongroise pour administrer les territoires conquis[19].
« Durant l'automne le roi Henri envahit également la Hongrie, détruisit Hainbourg et Pressbourg et reçut la soumission de la région septentrionale du Danube jusqu'à la rivière Gran, parce que les rivières et les marches protégeaient la région Sud. Une partie de l'armée affronta les Hongrois et causa un grand massacre par deux fois. Après la soumission des Hongrois de ce territoire, puisqu'ils refusaient d'accepter Pierre, il installa pour eux comme duc l'un des leurs qui était à cette époque en exil chez les Bohémiens.
— Hermann Contract, Chronique[21] »
L'empereur retourna en Hongrie au début de l'été 1044[4] et fut rejoint durant son avancée par de nombreux seigneurs hongrois[7]. La bataille décisive se déroula le à Ménfő (près de Győr) et se termina par la défaite des forces de Samuel Aba[7]. Bien qu'Aba ait réussi à s'échapper du champ de bataille, les partisans de Pierre le capturèrent et le tuèrent peu après[4].
Second règne (1044-1046)
[modifier | modifier le code]Peu après la mort de Samuel Aba, l'empereur Henri entra dans Székesfehérvár[15] et remit Pierre sur le trône[5],[7]. Pierre introduisit la législation bavaroise dans son royaume, ce qui suggère que la Hongrie devint un fief impérial[15]. Il accepta la suzeraineté de l'empereur au printemps 1045, remettant sa lance royale à son nouveau suzerain (qui revint en Hongrie)[7],[22]. De nombreux complots destinés à renverser Pierre indiquent qu'il demeurait impopulaire[8]. Deux des cousins maternels d'Étienne Ier (Bolya et Bonyha) montèrent une conspiration contre Pierre en 1045, mais le roi les fit arrêter, torturer et exécuter[22]. L'évêque Gérard de Csanád invita les fils exilés de Vazul à revenir[22]. Une révolte de roturiers païens mit fin au second règne de Pierre en 1046[4]. Pierre envisagea de fuir à nouveau au Saint-Empire, mais l'un des fils de Vazul, André (revenu en Hongrie), l'invita à une rencontre à Székesfehérvár[23]. Le roi déchu réalisa bientôt que les envoyés d'André voulaient en fait l'arrêter[23]. Il se réfugia alors dans un manoir fortifié à Zámoly, mais les partisans de son rival s'en emparèrent et le firent prisonnier trois jours plus tard[23]. Toutes les chroniques hongroises du XIVe siècle attestent que Pierre fut aveuglé, ce qui causa sa mort[23]. Cependant, le chroniqueur Cosmas de Prague, presque contemporain de Pierre, relate que Judith de Schweinfurt, veuve du duc Bretislav Ier de Bohême qui était rejetée par son fils, s'enfuit en Hongrie et épousa Pierre en 1055 « comme une insulte à » son fils « et à tous les Tchèques »[23],[24]. Si ce dernier rapport est fiable, Pierre survécut à ses blessures et mourut vers 1060[23]. Il fut enterré à la cathédrale de Pécs[23].
« L'automne suivant, les Hongrois se remémorèrent leur ancienne trahison et établirent un certain André sur le trône. Ils tuèrent les nombreux étrangers qui avaient combattu pour le roi Pierre ; ils lui infligèrent diverses blessures, ainsi qu'à sa femme, et finalement ils privèrent Pierre de ses yeux et l'envoyèrent avec sa femme en un certain endroit, pour y être enfermés. Dans un même temps de nombreux étrangers dans le pays furent dépouillés, exilés et tués.
— Hermann Contract, Chronique[25] »
« Le roi Pierre, voyant que les Hongrois avaient tous pris parti pour les ducs André et Levente, prit la fuite avec ses [Allemands] vers Moson, prévoyant de passer en Autriche à partir de là, mais il ne pouvait pas s'échapper. Car les Hongrois étaient arrivés avant et avaient occupé les points d'entrée et de sortie du royaume ; de plus, l'ambassadeur du duc André rappela le roi Pierre, prétextant vouloir en arriver à un accord pacifique et honorable avec lui. Le croyant sincère, le roi Pierre s'en retourna [...]. Lorsqu'il dévia de sa route vers le village de Zamur, l'ambassadeur susmentionné voulut lui tendre une embuscade et le ramener pieds et poings liés au duc André ; mais ayant connaissance de ceci, Pierre trouva refuge dans un manoir et se défendit bravement pendant trois jours. Finalement, tous ses soldats furent tués par flèche et lui-même fut pris vivant ; il fut aveuglé et amené à Alba, où dans de grandes souffrances sa vie prit bientôt fin.
Famille
[modifier | modifier le code]Le nom et la famille de l'épouse de Pierre sont inconnus[15], mais Gyula Kristó suppose qu'elle était d'origine allemande[15]. Les historiens débatent de la validité des indications de Cosmas de Prague quant au second mariage de Pierre avec la veuve de Bretislav Ier de Bohême, Judith de Schweinfurt. Lisa Wolverton, traductrice de la chronique, suggère que Cosmas interpréta mal ses sources (qui décrivaient le mariage de Judith de Souabe avec le roi Salomon de Hongrie)[27]. L'arbre généalogique ci-dessous présente les ancêtres de Pierre le Vénitien et ses parents qui sont mentionnés dans l'article[3],[28] :
Gyula de Transylvanie | Taksony | Une femme « Couman »* | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Pietro II Orseolo | Sarolt | Géza | Mihály | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ottone Orseolo | inconnue | Étienne Ier de Hongrie | Gisèle de Bavière | inconnue | Samuel Aba** | Vazul | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Judith de Schweinfurt*** | Pierre le Vénitien | inconnue | Émeric | Levente | André | Béla | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
*Une Khazar, une Petchenègue ou une Bulgare de la Volga.
**Samuel Aba a peut-être été le petit-fils de Géza plutôt que son beau-fils.
***La véracité de l'indication de Cosmas de Prague quant au mariage de Judith de Schweinfurt avec Pierre le Vénitien ne fait pas l'unanimité chez les historiens.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 53.
- László Kontler 1999, p. 59.
- Donald M. Nicol 1999, p. 48.
- Július Bartl et al. 2002, p. 26.
- László Kontler 1999, p. 58.
- Pál Engel 2001, p. 28-29.
- Pál Engel 2001, p. 29.
- Molnár 2004, p. 39.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 54.
- Július Bartl et al., p. 25.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 55.
- Gyula Kristó 2003, p. 75.
- The Hungarian Illuminated Chronicle (ch. 71), p. 107-108.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 56.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 57.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 63.
- Simon of Kéza: The Deeds of the Hungarians (ch. 2.46), p. 109.
- Gyula Kristó 2003, p. 76.
- Ferenc Makk 1993, p. 61.
- Hermann of Reichenau: Chronicle, p. 74, note 157.
- Hermann of Reichenau: Chronicle (année 1042), p. 73-74.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 58.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 59.
- Cosmas of Prague: The Chronicle of the Czechs (ch. 2.17), p. 135.
- Hermann of Reichenau: Chronicle (année 1046), p. 79.
- The Hungarian Illuminated Chronicle (ch. 85), p. 113.
- Cosmas of Prague: The Chronicle of the Czechs, p. 135, note 121.
- Gyula Kristó et Ferenc Makk 1996, p. 53, 59, annexe 1-2.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]Sources primaires
[modifier | modifier le code]- (en) « Hermann of Reichenau: Chronicle », dans Eleventh-century Germany: The Swabian Chronicles, Manchester University Press, (ISBN 978-0-7190-7734-0) (sources sélectionnées, traduites et annotées avec une introduction de I. S. Robinson).
- (en) Cosmas of Prague: The Chronicle of the Czechs (trad. Lisa Wolverton), Washington (D.C.), The Catholic University of America Press, , 274 p. (ISBN 978-0-8132-1570-9, lire en ligne).
- (en) Simon of Kéza: The Deeds of the Hungarians (trad. de l'anglais par László Veszprémy et Frank Schaer), Budapest/New York, CEU Press, , 235 p. (ISBN 963-9116-31-9, lire en ligne), avec une étude par Jenő Szűcs.
- (en) The Hungarian Illuminated Chronicle: Chronica de Gestis Hungarorum (trad. Dezső Dercsényi), Taplinger Publishing, (ISBN 0-8008-4015-1).
Sources secondaires
[modifier | modifier le code]- (en) Július Bartl, Viliam Čičaj, Mária Kohútova, Róbert Letz, Vladimír Segeš et Dušan Škvarna, Slovak History : Chronology & Lexicon, Bolchazy-Carducci Publishers, (ISBN 0-86516-444-4).
- (en) Pál Engel, The Realm of St Stephen : A History of Medieval Hungary, 895–1526, I.B. Tauris Publishers, (ISBN 1-86064-061-3).
- (en) László Kontler, Millennium in Central Europe : A History of Hungary, Atlantisz Publishing House, , 537 p. (ISBN 963-9165-37-9).
- (fr) Gyula Kristó Histoire de la Hongrie médiévale, tome I, Le Temps des Arpáds, Presses universitaires de Rennes, Rennes (2000) (ISBN 2-86847-533-7).
- (hu) Gyula Kristó et Ferenc Makk, Az Árpád-ház uralkodói [« Souverains de la maison Árpád »], I.P.C. Könyvek, , 293 p. (ISBN 963-7930-97-3).
- (hu) Gyula Kristó, Háborúk és hadviselés az Árpád-korban [« Guerres et lutte sous les Árpád »], Szukits Könyvkiadó, (ISBN 963-9441-87-2).
- (hu) Ferenc Makk, Magyar külpolitika (896-1196) [« La politique étrangère hongroise (896-1196) »], Szeged, Szegedi Középkorász Műhely, , 220 p. (ISBN 963-04-2913-6).
- Miklós Molnár, Histoire de la Hongrie, Paris, Perrin, coll. « Tempus », , 469 p. (ISBN 2-262-02238-0).
- (en) Donald M. Nicol, Byzantium and Venice : A Study in Diplomatic and Cultural Relations, Cambridge University Press, , 465 p. (ISBN 0-521-42894-7, lire en ligne).