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Jours des Rogations

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Procession des Rogations en 1992 en Westphalie

Les jours des Rogations sont, dans le calendrier liturgique tridentin, les trois jours précédant immédiatement le jeudi de l'Ascension, c'est-à-dire les 37e, 38e et 39e jours après Pâques. Ce terme n'est plus utilisé aujourd'hui que par les Églises catholique (surtout les traditionalistes), anglicane et quelques Églises orthodoxes.

Le mot « rogation » vient du latin rogare, qui signifie « demander ». Ce terme sert à qualifier cette période de l'année car l'Évangile du dimanche précédent comprend le passage « demandez ce que voudrez et cela vous sera accordé » (Jean 15, 7). Le terme rogation, en latin rogatio, signifiait originellement « demande » et a pris le sens de « prière, supplique » en bas latin et de « prière accompagnée de processions » en latin ecclésiastique.

Historique de l'usage et des prières rogatoires

Cette fête, encore appelée les Litanies Mineures, fut introduite par l'évêque de Vienne, saint Mamert en 474 dans la vallée du Rhône et en Dauphiné. À cette époque, les rogations ont pris la place, dans le calendrier, de la fête romaine des robigalia, célébrations cultuelles pour la protection des céréales contre la rouille qui se déroulaient le sixième jour avant les calendes de mai[1]. Le récit de l'institution de Saint Mamert nous est connu par une homélie de Saint Avit, successeur de Mamert à la tête de l'évêché[2].

Si, pour certains, il n'est pas démontré que le rite fasse écho à des pratiques païennes antérieures[3], on considère, en général, que ces cérémonies, survivance druidique ou emprunt au folklore romain, répondent aux besoins anciens des communautés rurales de régler le cours de la nature par des processions "circumambulatoires"[4]. Au Moyen Age, ce rite propitiatoire vise à immuniser le territoire rural contre les puissances infernales, souvent ridiculisées par des représentations de dragons empaillées. Trois jours durant, le clergé et les fidèles font en procession le tour du finage dont les limites sont signalées par des croix temporaires ou fixes. Prières, formules de bénédiction et gestes de purification permettent de garantir les trois récoltes majeures, le premier jour étant réservé aux prés, le deuxième aux champs et le troisième à la vigne ou aux cultures secondaires. Des haltes sont prévues aux chapelles et aux croix de carrefour. Des arrêts, décorés comme des reposoirs avec des guirlandes de fleurs printanières, sont souvent l'occasion de collations, a priori frugales, même si ces fêtes sont prétexte à réjouissances[5].

Lors du concile d'Orléans (511), les évêques réunis décident que les Rogations seront célébrées en Gaule pendant trois jours avant l'Ascension (canon 27) et, un peu plus tard, Gontran, un des petits-fils de Clovis, en ordonne la célébration dans tout le royaume de Bourgogne. En 567, les décisions du concile d'Orléans sont confirmées par les conciles de Lyon et de Tours qui rendent aussi fériés ces trois jours. Entre le VIIe et le Xe siècle, les rogations s'étendent dans tout l'Occident. La diffusion de la fête dans les campagnes accompagne l'ancrage territorial croissant de la paroisse, permettant de sacraliser l'espace communautaire. La pratique s'étend peu à peu aux paroisses urbaines[6].

Pratiques traditionnelles

Ce dimanche lui-même était appelé dimanche des Rogations. Ce jour marquait, avant le concile Vatican II, le début d'une période de trois semaines pendant laquelle la célébration des mariages était interdite par les Églises catholique et anglicane. Jusqu'au début du XXe siècle, des processions étaient organisées dans les chemins parcourant les champs dans tous les pays catholiques, une pratique immortalisée par différents peintres naturalistes, comme Jules Breton (Bénédiction des blés en Artois, Arras, Musée des Beaux-Arts, 1857). Les fidèles observaient traditionnellement pendant les Rogations un jeûne afin de se préparer à la célébration de l'Ascension et les prêtres bénissaient les cultures. Les croix de station au bord des chemins des campagnes en rappellent aujourd'hui le souvenir.

Depuis Vatican II

Lors de la réforme liturgique catholique en 1969, le nouveau Calendarium romanum a maintenu les prières des Rogations, mais en précisant qu'elles pouvaient ne pas être célébrées à la même date sur toute la terre. Il donnait tâche aux conférences épiscopales pour en fixer « la discipline ». Les Églises anglicanes supprimèrent les Rogations en 1976. Pour la francophonie, il n'est fait nulle mention dans les missels « ordinaires » ; cependant, le cérémonial des évêques de 1984 (aux chapitres 381 à 384) y fait nettement référence : « Il est bon que, dans chaque diocèse, compte tenu des circonstances et des coutumes locales, l'évêque veille avec soin à ce que l'on trouve un bon moyen d'observer la liturgie des Rogations... » (chapitre 383). En France, la Conférence épiscopale française n'a, depuis Vatican II, rien fixé. La plupart des pays continuent de suivre l'ancien usage selon le calendrier liturgique tridentin qui prévoit que les rogations soient célébrées les trois jours précédant l'Ascension. Néanmoins, en l'absence de règle, chaque diocèse et chaque paroisse est libre de célébrer quand bon lui souhaite.

Notes et références

  1. Hacquard, Dautry et Maisani, Guide romain antique, Paris, Hachette, coll. « Roma », , 224 p. (ISBN 978-2-903528-22-5), La religion, « Le culte public »
  2. Cf. la traduction en français dans André Guillerme, Les temps de l'eau, Seyssel, Champ Vallon, coll. « milieux », , 264 p. (ISBN 978-2-01-000488-9, ISSN 0291-7157), Villes sacrées, « L'origine des rogations mineures ».
  3. F. Cabrol et H. Leclercq, Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, vol. 12, Paris, Librairie Letouzey et Ane, (réimpr. 1920,1925,1928,1953), « Rogations ».
  4. Guy Fourquin, dans G. Duby et H. Wallon (dir.), Histoire de la France rurale, tome 1, La formation des campagnes françaises des origines à 1340, Paris : Le Seuil, 1975, p.546.,
  5. Guy Fourquin, op. cité, p. 547.
  6. Fabrice Mouthon, Les communautés rurales en Europe au Moyen Age. une autre histoire politique du Moyen Age, collection "Didact Histoire", Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 123.