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Paul Trouillas

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Paul Trouillas, né le à Lyon, est un médecin hospitalo-universitaire spécialiste en neurologie et essayiste politique français. Il est en France parmi les premiers neurologues à s'intéresser aux mécanismes physiopathologiques de l'ataxie de Friedreich. Il est aussi l'un des pionniers de la prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux. Ses travaux non médicaux à portée politique et philosophique portent notamment sur la psychologie collective des Français.

Biographie

Jeunesse et formation

Paul Trouillas naît le 19 décembre 1943 dans le 6e arrondissement de Lyon[1]. Sa mère tient une officine de pharmacie cours Lafayette à Lyon[N 1]. Il fait des études classiques au lycée du Parc de Lyon[réf. nécessaire].

Dans le cadre des bourses Zellidja, alors gérées par l'Académie française, il part à seize ans à La Nouvelle-Orléans pour enquêter sur les francophones de Louisiane et obtient un prix pour son rapport « Étrange Louisiane », qu'il reçoit des mains de Jules Romains[réf. nécessaire].

Interne des Hôpitaux de Lyon à 22 ans, Paul Trouillas obtient le certificat de biologie moléculaire de Jacques Monod et François Jacob, et une licence de sciences l'année suivante[réf. nécessaire].

Carrière hospitalo-universitaire

Professeur de neurologie à 35 ans, il oriente d'abord ses activités de recherche vers le domaine des tumeurs cérébrales. Il s'intéresse ensuite aux maladies neurogénétiques, devenant président du conseil scientifique de l'association pour la maladie de Friedreich (1986-1996), et choisissant l'équipe française de Strasbourg qui participera à la découverte du gène de cette maladie (1996)[2].

Chargé par la World Federation of Neurology de l'élaboration d'une échelle pour les troubles de l'équilibre, il préside le comité « ad hoc » et propose l'International Ataxia Rating Scale (ICARS) (1997), adoptée ensuite comme échelle mondiale de référence.

Frappé par l'importance du fléau que représentent les accidents vasculaires cérébraux (AVC), il fonde en 1990-1991 le Centre d'urgence des attaques cérébrales de Lyon et introduit en France la thrombolyse des artères cérébrales comme méthode thérapeutique de référence[3]. Ce protocole, dont le caractère novateur fait d'abord l'objet de critiques, est devenu par la suite le standard international de prise en charge à la phase aiguë des AVC. Il reçoit le prix de l'Hospitalisation française en 1992. La communauté internationale des experts en AVC lui confie en 2002 l'organisation et la présidence du Congrès mondial sur la thrombolyse et le traitement des AVC. Ses activités dans le domaine des maladies cérébrovasculaires lui valent d'être cité positivement dans le rapport Even de 2008[4].

Avec ses partenaires africains – dont le ministre de la Santé de Guinée Amara Cissé et le Professeur Mofou Belo –, Paul Trouillas fonde en 2004 la Ligue franco-africaine contre les accidents vasculaires cérébraux et suscite des systèmes d’urgence AVC au Togo (Lomé), en Guinée (Conakry), en Côte d'Ivoire (Abidjan), au Cameroun (Douala). Son but est d’organiser en Afrique une prise en charge des patients victimes d'AVC, 2e cause de mortalité sur ce continent. En 2024, 4 unités neurovasculaires sont fonctionnelles en Afrique francophone subsaharienne, dont une pratiquant la thrombolyse en Côte d'Ivoire.

En juin 2024, Paul Trouillas publie à New York le livre A Quantum Theory of Syntax (Une théorie quantique de la syntaxe), qui comporte une approche mathématique de la syntaxe et des troubles neurologiques affectant la syntaxe[5].

Essayiste politique et philosophe

Parallèlement à ses activités médicales, Paul Trouillas se consacre aux sciences humaines. Il entreprend à partir de 1977 une recherche de 20 ans sur le sentiment collectif français, politique et social, qui aboutira à la publication de Le complexe de Marianne en 1988 et de De la démocratie sociale en France en 2000.

Sa méthode consiste à rechercher des invariants structuraux (les emblèmes nationaux classiques, les comportements répétitifs de luttes des classes) et à les considérer comme des ensembles symboliques codés, à déchiffrer. Le contexte historique de ces manifestations, les commentaires, les productions littéraires et humoristiques, conduiront à leur signification profonde et permettront de reconstituer les éléments psychologiques enfouis dans l'âme collective, le plus souvent inconscients.

Ainsi seront mis à jour d’une part les ressorts cachés du patriotisme français - le complexe héroïque français dans Le complexe de Marianne -, d’autre part les éléments sacrificiels et mystiques de la lutte des classes française dans De la démocratie sociale en France.

Claude Lévi-Strauss écrira : « Le complexe de Marianne abonde en remarques pénétrantes, en interprétations ingénieuses et subtiles ».[réf. nécessaire]

Toutefois, De la démocratie sociale en France montre comment une société peut s’arracher à ses structures traditionnelles en inventant un nouveau système, la démocratie sociale, dans lequel les acteurs sociaux – au lieu de s’affronter férocement - sont contraints de coopérer dans de grandes structures comme l’assurance maladie, l’assurance retraite et l’assurance chômage. Ainsi sont posés, à propos de la France, le problème de la remise en cause des « invariants structuraux » et la question du processus du progrès historique. Paul Trouillas se tourne alors franchement vers la philosophie et entreprend une nouvelle réflexion, précisément pour aborder le problème du progrès historique.

Dans Séparation et civilisation (2010), il montre comment la séparation de domaines d’activité humaines – le spirituel et le temporel, l’Église et l’État, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, la vie personnelle et la vie publique, la vie professionnelle et la vie personnelle, la religion et le droit, etc.- promeut l’humanité de l’homme et provoque la genèse de nouvelles libertés. Il montre comment les Lumières du XVIIIe siècle furent de grandes séparatrices. En démontrant que la séparation de la sphère politique et de la sphère économico-sociale est une condition du progrès, Paul Trouillas s’oppose au marxisme traditionnel, qui prétend confondre les deux domaines.

Il contredit aussi Francis Fukuyama en démontrant qu’il n'y a pas de « fin de l'histoire » et que le processus de séparation ne s’arrête pas à la chute du mur de Berlin en 1989. « Au delà d’une liberté, il est toujours une autre liberté » écrit-il. Ainsi le principe de séparation peut apparaître comme une donnée significative.

En 2017, Paul Trouillas publie Du Sang sur les Idées, Manifeste de la Philosophie Expérimentale. Le livre traite des grandes questions de rationalité et de morale dans la vie intellectuelle et politique, abordant la question de la barbarie historique d’origine philosophique. Il traite aussi des questions d’expérience en tant que contrôle des modèles intellectuels philosophiques et d’expérimentation en tant qu’application de ces modèles aux sociétés. Pour l’auteur, dans le domaine intellectuel, les philosophies qui contrôlent la vérité de leurs  propositions par   l’expérience  remontent à Platon et se sont affirmées dans les Lumières, particulièrement avec Locke et Voltaire, puis chez Arendt et Lévi-Strauss. Les philosophies qui ont affirmé leurs modèles sans l’expérience sont celles de Hegel, de Marx  - pour la partie spéculative de son œuvre - et de Nietzsche. Trouillas montre que ces dernières philosophies, dans le domaine moral, n’appliquent pas non plus un contrôle de leurs modèles par les faits moraux, demandant la guerre, des exterminations de classe ou de masse. L’auteur affirme  que toute philosophie peut faire l’objet d’une expérimentation, laquelle va imprimer dans les sociétés les bienfaits ou les erreurs  de ses modèles. Ainsi « du sang sur les idées » est observé dans les expérimentations des idées philosophiques fausses et immorales que sont les sociétés totalitaires, qui portent une responsabilité indiscutable dans les 160 millions de morts du XX° siècle. Il n’y a pas de génocide sans idée de génocide. Marx est présenté comme le poteau indicateur du Goulag et Nietzsche celui d’Auschwitz. Une jugement contre ces penseurs - en tant que coupables d’incitation à des crimes contre l’humanité et de génocide -  est demandé. En opposition, les philosophies issues des Lumières ont produit l’expérimentation des sociétés démocratiques, dont le bilan -  en termes de coût humain vis à vis de leurs peuples - est à l’évidence avantageux. D’où le slogan philosophique du livre pour l’avenir des idées et des programmes politiques, y compris planétaires: « l’expérience doit précéder l’expérimentation ».  

Dans un ouvrage complémentaire paru en 2023, L'homme est un être philosophique, Trouillas montre que les idées collectives sont de même nature que les idées des philosophes. Ceci explique la possibilité pour les philosophes de comprendre les mécanismes profonds  des sociétés humaines, tandis que des philosophes comme Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Marx et Nietzsche ont  pu massivement influencer  le devenir des sociétés. De plus,  l’auteur montre qu’un contrat social philosophique fonde en réalité  la plupart des sociétés humaines autonomes. Un tel contrat s'est révélé,  pour  la France moderne,  dans l’immense manifestation du 11 janvier 2015 , sur la base d’idées de tolérance, de liberté politique, de liberté d'expression et de lutte contre la barbarie. Un appel est à nouveau fait aux philosophies rationnelles pour l'avenir des sociétés humaines, contre des philosophies mensongères et cyniques, coupables  en ce début du XXI° siècle de nouveaux épisodes de barbarie.

Responsable politique et social

Paul Trouillas est nommé expert au Commissariat général du Plan (1978-1979), et devient membre du cabinet du ministre de la Recherche du président Valéry Giscard d’Estaing (1980-1981).

En 1983, il est élu à Lyon conseiller municipal, conseiller communautaire et maire adjoint du 8e arrondissement de Lyon, chargé des affaires sociales. Président de la commission sociale du Conseil pour l'avenir de la France, il propose en 1986 le vote du budget de la Sécurité sociale par le Parlement, une mesure qui sera adoptée avec les réformes constitutionnelles le .

Paul Trouillas poursuit une activité d'initiative politique. Dans L'emploi durable en France (2006), il propose un véritable système paritaire de sécurité de l’emploi, comportant un emploi conventionné et un statut du salarié du secteur marchand, en lieu et place des contrats d’emploi à effet d’aubaine proposés à chaque élection présidentielle.

Dans L'auto-interruption consciente et volontaire de la vie (2012), Paul Trouillas applique le principe de séparation au problème de l'euthanasie. Il explique que la confusion de la médecine classique et de l’assistance médicale à la fin de vie constitue la cause principale de « la crise de l'euthanasie » et du blocage des législations sur ce problème.

Il montre qu'une assistance médicalisée au « bien mourir » est possible en France, dans la tradition des droits de l'Homme, si cette assistance se fait de façon séparée vis-à-vis de la médecine classique, et si des critères juridiques stricts de conscience, de volonté et d'indépendance du sujet sont garantis.

Auditionné par la Commission Sicard en 2012, il s'oppose au système de « suicide assisté » proposé par cette commission et milite pour une véritable assistance d'État à la fin de vie volontaire.

Candidature à l'Académie française

En 2013, il est, avec Jean-Noël Jeanneney candidat à la succession de Jean Dutourd au fauteuil 31 de l'Académie française : il obtient des voix au 1er tour, mais le fauteuil est finalement attribué à l'Anglais Michael Edwards au 3e tour de scrutin[6].

Controverse sur le traitement de la maladie de Lyme

Partisan d'un traitement antibiotique prolongé des complications neurologiques tardives de la maladie de Lyme[7], Trouillas voit ses résultats contestés par ses pairs[8] et son activité suspendue par l'Ordre des médecins en 2024, malgré le soutien apporté par les associations de patients[9].


Publications

Essais

  • « Étrange Louisiane : vieille France in USA : terre du jazz », Rapport de second voyage Zellidja, 1960, conservé à la Bibliothèque Nationale.
  • Les révolutions culturelles, Paris, Herytem, 1969.
  • La prise du pouvoir mondial (sous le pseudonyme de Jean Carral), Paris, Denoël, 1971.
  • Le complexe de Marianne, Paris, Éditions du Seuil, 1988.
  • De la démocratie sociale en France : le pain, le sang, le droit, Paris, Éditions L'Harmattan, 2000.
  • L’emploi durable en France, Paris, Éditions L'Harmattan, 2006.
  • Séparation et civilisation, Paris, Hermann, 2010.
  • Marchés financiers et sécurité mondiale, Le Monde, article, 1er décembre 2011.
  • L'auto-interruption consciente et volontaire de la vie, Paris, Hermann, 2012
  • Du sang sur les idées. Manifeste de la philosophie expérimentale, Paris, Hermann, 2017
  • L'homme est un être philosophique, Paris, Hermann, 2023.

Ouvrages scientifiques

  • Serotonin, the Cerebellum and Ataxia, New York, Raven Press, 1993
  • A Quantum Theory of Syntax, New York, Nova Science, 2024

Thèse

  • Immunologie et immunothérapie des tumeurs cérébrales : à propos de 43 observations, Thèse de Médecine , 1971.

Distinctions

Notes et références

Notes

  1. Sa sœur cadette, Simone, deviendra interne en pharmacie des hôpitaux de Lyon en 1982 et aura elle aussi une carrière de pharmacienne.[réf. nécessaire]

Références

  1. Ville de Lyon, archives municipales, « cote 2E2854 » Accès libre, sur fondsenligne.archives-lyon.fr (consulté le )
  2. (en) Campuzano V, Montermini L, Moltò MD, Pianese L, Cossée M, Cavalcanti F, Monros E, Rodius F, Duclos F, Monticelli A, Zara F, Cañizares J, Koutnikova H, Bidichandani SI, Gellera C, Brice A, Trouillas P, De Michele G, Filla A, De Frutos R, Palau F, Patel PI, Di Donato S, Mandel JL, Cocozza S, Koenig M, Pandolfo M, « Friedreich's ataxia: autosomal recessive disease caused by an intronic GAA triplet repeat expansion », Science, vol. 271, no 5254,‎ , p. 1423–7 (PMID 8596916, DOI 10.1126/science.271.5254.1423)
  3. (en) Trouillas P, Nighoghossian N, Getenet JC, Riche G, Neuschwander P, Froment JC, Turjman F, Jin JX, Malicier D, Fournier G, Gabry AL, Ledoux X, Derex L, Berthezène Y, Adeleine P, Xie J, Ffrench P, Dechavanne M., « Open trial of intravenous tissue plasminogen activator in acute carotid territory stroke. Correlations of outcome with clinical and radiological data », Stroke, vol. 5,‎ , p. 882-90
  4. Philippe Even, Rapport: Faillite et carences de la recherche médicale universitaire française, Paris, Hôpital Necker,
  5. (en) Paul Trouillas, A Quantum Theory of Syntax, New York, Nova Science publishers, , 364 p. (ISBN 979-8-89113-321-1, présentation en ligne)
  6. « Élection de M. Michael Edwards (F31) », sur Académie française,
  7. (en) Trouillas, P et Franck, M, « Complete Remission in Paralytic Late Tick-Borne Neurological Disease Comprising Mixed Involvement of Borrelia, Babesia, Anaplasma, and Bartonella: Use of Long-Term Treatments with Antibiotics and Antiparasitics in a Series of 10 Cases », Antibiotics, vol. 12,‎ , p. 1021 (DOI 10.3390/antibiotics120610217)
  8. Nadjette Maouche, « Maladie de Lyme : l'ordre des médecins du Rhône demande la radiation d'un médecin », sur france3-regions.francetvinfo.fr, (consulté le )
  9. « Maladie de Lyme : une lettre de soutien au Pr Trouillas adressée au président de la République », sur leprogres.fr, journal Le Progrès, (consulté le )
  10. JORF n°113 du 15 mai 1996, « Décret du 13 mai 1996 portant promotion et nomination », sur legifrance.gouv.fr, site de Légifrance
  11. JORF n°0087 du 12 avril 2009, « Décret du 10 avril 2009 portant promotion et nomination », sur legifrance.gouv.fr, site de Légifrance, (consulté le )

Annexes

Liens externes