Crise du logement au Québec
La crise du logement (aussi appelée crise du marché immobilier ou pénurie du logement) est un phénomène de bulle spéculative qui a fortement affecté le marché immobilier du Québec et du Canada depuis les années 1980. Le prix moyen d’une maison est passé de 48 715 $ en 1980 à 424 844 $ en 2021. Cette bulle a plusieurs causes, ainsi que plusieurs conséquences négatives sur la qualité de vie et l'économie québécoise.
Historique du prix moyen d'une maison unifamiliale
[modifier | modifier le code]1980
48,715$ (2,30 fois plus que le revenu moyen de 21,192$) |
1990
100,811$ (2,81 fois plus que le revenu moyen de 35,822$) |
2000
113,291$ (2,49 fois plus que le revenu moyen de 45,476$) |
2010
242,476$ (4,09 fois plus que le revenu moyen de 59,237$) |
2021
424,844$ (4,72 fois plus que le revenu moyen de 89,979$) |
Le prix moyen d’une maison unifamiliale double à chaque 10 ans et les salaires ne suivent pas ces augmentations. Les bas taux d’intérêt qui se sont installés au début des années 2000, la mondialisation et la technologie sont tous les trois cités à avoir contribué massivement à faire bondir le nombre d’acquisitions immobilières et causer une hausse fulgurante des prix[1].
Villes en état critique
[modifier | modifier le code]Contrairement à la pensée populaire, la pénurie n’est pas à son apogée à Montréal. La ville la plus affectée par cette crise est la ville de Granby, qui en 2022 possède un taux d’inoccupation de 0,1%, suivit de Marieville (0,1%), Rimouski (0,2%), Drummondville (0,2%), Rouyn-Noranda (0,3%) puis Saint-Georges (0,3%)[2].
Causes
[modifier | modifier le code]Une variété de causes combinées ensembles ont créé et/ou exacerbent la pénurie du logement au Québec. Ces facteurs incluent : le zonage[3], le grand montant de règles pour les nouvelles constructions[4], pas assez de nouvelles construction pour combler la demande[4], de faibles taxes sur les propriétés et prêts, les hauts flux d'immigration, les NIMBY, l'achat d'un grand nombre de logements par des compagnies, les Airbnbs, les guerres de surenchère, les « rénovictions », les flips immobiliers, le « blanchiment à la neige », le programme des travailleurs étrangers temporaires, ainsi que le manque d'intervention et d'initiative du gouvernement, parmi d'autres.
Conséquences
[modifier | modifier le code]Une bulle immobilière a plusieurs conséquences sur la société québécoise.
- Les hauts prix du logement poussent les locataires à devoir vivre dans un appartement de moindre qualité, et ainsi diminuer leur qualité de vie. Ceci a des impacts négatifs sur la santé mentale[5].
- Les familles ont moins de revenu discrétionnaire[6].
- La crise rend difficile la tâche de quitter le nid pour les jeunes adultes ainsi que de pouvoir s'installer dans une nouvelle ville afin de poursuivre des opportunités d'emplois[7].
- La crise cause des pénuries de main d'œuvre à certains endroits puisque des travailleurs potentiels ne peuvent pas se permettre de déménager dans la ville[8].
- Les commerces reçoivent moins d’investissements et sont moins innovateurs et productifs[9].
- Le problème augmente la disparité entre les riches et les pauvres[10].
- Le taux de naissance diminue avec la hausse des prix[11].
Thèse d'un échec systémique des politiques publiques sur plusieurs décennies lié au désengagement du gouvernement fédéral dans la construction de logements
[modifier | modifier le code]Pour certains observateurs, la crise du logement serait causée par un échec systémique des politiques publiques en matière de logement sur plusieurs décennies et serait liée à la décision du gouvernement fédéral de se retirer de la construction de logements dans les années 1980. Cette thèse est notamment relayée par l'ancienne vice-première ministre canadienne Sheila Copps. Selon elle, dans les années 1970, les politiques fédérales en matière de logement ont vu le gouvernement fédéral s’impliquer plus directement dans la construction de logements, y compris le développement de logements pour les personnes âgées et les autochtones. Cela a changé dans les années 1980, lorsque les gouvernements provinciaux ont assumé les pouvoirs dans les politiques relatives au logement. Elle soutient que « lorsque les gouvernements provinciaux ont récupéré l'argent (destiné au logement), beaucoup d'entre eux ne l'ont pas réellement dépensé dans le logement ». Elle observe toutefois que le Québec a souvent fait exception à la règle en utilisant l'argent fédéral pour construire des logements sociaux[12].
Populations particulièrement touchées
[modifier | modifier le code]Problématique particulièrement aiguë dans les communautés autochtones
[modifier | modifier le code]La crise du logement est particulièrement grave dans les réserves indiennes au Québec, mais aussi à travers le Canada. Selon des données publiques, « en 2011 [...], on estimait déjà qu’il manquait entre 40 000 et 80 000 logements dans les réserves. Résultat : nombreux sont les Autochtones qui vivent dans des maisons surpeuplées, avec tous les problèmes sociaux que cela peut entraîner ». Dans un rapport présenté devant l’Assemblée générale des Nations unies, la rapporteuse spéciale Leilani Farha a qualifié d'abominables les conditions de logement[13]. Les réserves indiennes sont de compétence fédérale et ne dépendent pas de l'action législative du législateur provincial québécois[14]. Cela dit, les Inuits du Québec sont confrontés à des problèmes de même nature[15], mais ils n'habitent pas dans des réserves et leurs villages ont le statut de municipalité[16].
Mères monoparentales
[modifier | modifier le code]Les femmes monoparentales et cheffes de familles se retrouvent dans une situation délicate, ou elle se voit retourner chez une connaissance, parents, amis, familles. Les refuges sont autant surpeuplés et en demande qu’un logement. Plusieurs femmes se voient coincées dans une situation dangereuse, par exemple un conjoint violent, simplement puisqu’il n’y a pas de porte de sortie disponible pour elles[17] Par exemple, au Canada, on dénombre environ 43% des femmes monoparentales ayant un logement inadéquat pour leur besoin ou hors de prix[18].
L'approche du care correspond à « tout ce que nous faisons pour maintenir, continuer ou réparer notre monde de telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie »[18]. Le phénomène repose sur une multitude de relations multidirectionnelles qui forment une force, souvent invisible, qui soutient l’existence et le bien être des individus et des sociétés.
« L’instauration de nouvelles politiques sociales, tel que des allocations familiales, les soins de santé, les prestations d’invalidé, et les congés parentaux, sont des solutions proposées par les gouvernements »[17]. Ces politiques sont néanmoins basés sur un modèle de famille nucléaire. Une autre solution est la création de logements sociaux[19]. Ces projets permettent des logements plus adaptés aux besoins des femmes monoparentales, et permet une meilleure intégration dans les communautés. De l’autre côté de la médaille, ces projets sont très couteux et il est difficile de trouver du financement, et aussi des sols disponibles et salubre pour les logements. En effet, plusieurs organisations se battent afin de garder un prestigieux statut dans leur quête de fonds.
Rapports de pouvoir à l'avantage des propriétaires
[modifier | modifier le code]Pour avoir le logement, le locataire devra signer un bail et payer le propriétaire[20]. Il y a donc un rapport de pouvoir inégal qui désavantage le locataire, surtout lorsqu'il est issu de groupes économiquement défavorisés[21].Ce rapport peut occasionner de la violence. Il peut finir par expulser, mépriser et ne pas respecter l’intimité de l’occupant. De façon générale, les appartements délégués aux minorités sauront dans de minables conditions. Que ce soit pour les rongeurs, l’insalubrité ou même la moisissure, le locataire est pris à vivre dans ces conditions. Il est difficile de sortir de ces conditions, car le propriétaire utilisera sa crédibilité pour empêcher le locataire de trouver un nouveau logement de meilleure qualité. Il utilise la violence afin de faire comprendre aux locataires que les mauvaises conditions du logement peuvent les discréditer face à d'autres propriétaires dans le cas où ils souhaiteraient déménager[21].
Certains propriétaires peuvent donc utiliser la manipulation, étant conscients que les locataires ne connaissent pas leurs droits, ce qui est surtout le cas des immigrants[21]. Les locataires qui vivent des injustices auront encore plus de difficulté à trouver un logement durant la crise du logement.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Crise du logement
- Crise du logement en France
- Flip immobilier
- Ma cité évincée
- Que notre joie demeure
- Itinérance au Québec
- Parc Ferland
Références
[modifier | modifier le code]- Guillaume Cyr, « Les propriétés sont presque 10 fois plus chères qu’en 1980, mais les revenus ne suivent pas », sur 24 heures, (consulté le )
- Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Crise du logement au Québec : « On a perdu le contrôle » », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
- (en-US) « The Impact of Zoning on Housing Affordability — Zell/Lurie Real Estate Center » (consulté le )
- (en-US) James Burling, « The solution to high home prices: Build, baby, build. », sur Pacific Legal Foundation, (consulté le ).
- (en-US) Julie Watt, « Mental Health Effects of Precarious Housing », sur Habitat for Humanity Halton-Mississauga, (consulté le )
- « The impact of housing affordability on families », sur Cost of Home (consulté le )
- iClic (www.iclic.com), « La crise du logement: un enjeu de taille pour les jeunes adultes », sur EnBeauce.com (consulté le )
- (en) Chang-Tai Hsieh et Enrico Moretti, « Housing Constraints and Spatial Misallocation », American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 11, no 2, , p. 1–39 (ISSN 1945-7707, DOI 10.1257/mac.20170388, lire en ligne, consulté le )
- (en) Jun Xie et Li Tan, « The Impact of Rising House Prices on Business Development: Literature Review and Path Analysis », Open Journal of Accounting, vol. 7, no 1, , p. 73–81 (DOI 10.4236/ojacct.2018.71005, lire en ligne, consulté le )
- (en) « Four ways today’s high home prices affect the larger economy », sur Urban Institute (consulté le )
- (en) « Higher Rent, Fewer Babies? Housing Costs and Fertility Decline », sur Institute for Family Studies (consulté le )
- BNN Bloomberg. 29 août 2023. Decades of policy failures spurred Canada's housing crisis: Former deputy PM. En ligne. Page consultée le 2023-09-05
- Radio-Canada. 14 février 2020. « Une grave crise du logement frappe les communautés autochtones ». En ligne. Page consultée le 2023-07-15
- Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3, art 91 (24), <https://canlii.ca/t/dfbw#art91>, consulté le 2023-07-16
- Radio-Canada. « Encore du chemin à parcourir pour résoudre l’enjeu du logement au Nunavik ». Félix Lebel. En ligne. Page consultée le 2023-11-01
- Aménagement linguistique dans le monde. « Les Inuits du Québec ». En ligne. Page consultée le 2023--11-01
- Renaud Goyer, « Le logement et les inégalités sociales : xénophobie et violence symbolique dans l’expérience du logement de locataires montréalais », Nouvelles pratiques sociales, vol. 31, no 2, , p. 145–162 (ISSN 1703-9312, DOI 10.7202/1076649ar, lire en ligne, consulté le )
- « Se soucier, bâtir et prendre soin / Caring about, building and taking care of », sur L’R des centres de femmes du Québec (consulté le )
- Marie-Ève Desroches, « Créer des logements sociaux pour les femmes : une question de care qui va au-delà du privé », Cahiers de géographie du Québec, vol. 64, nos 181-182, , p. 53–69 (ISSN 0007-9766 et 1708-8968, DOI 10.7202/1090219ar, lire en ligne, consulté le )
- Renaud Coyer, « Le logement et les inégalités sociales » [« pdf »], (consulté le )
- Coyer, précité