Destin commun
Le destin commun est une notion définie dans l'accord de Nouméa concernant la Nouvelle-Calédonie, désignant l'objectif de construire, quel que soit l'avenir institutionnel de cet archipel du Pacifique (indépendance ou maintien au sein de la République française), une « communauté de destin » pluriethnique. Ce principe repose sur la double légitimité reconnue d'une part à la population kanak (celle du premier occupant) et d'autre part aux autres communautés au titre de leur participation à la construction de la Nouvelle-Calédonie contemporaine, et vise à empêcher de voir ressurgir les tensions voire les violents affrontements qui ont marqué les années 1980.
Définition dans l'accord de Nouméa
[modifier | modifier le code]Plusieurs phrases du préambule de l'accord de Nouméa du servent à définir ce qu'est le « destin commun » recherché par ce texte[1] :
- « Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun » (paragraphe 3).
- « Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun » (paragraphe 4).
- « Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun. » (paragraphe 4)
Applications
[modifier | modifier le code]Citoyenneté néo-calédonienne
[modifier | modifier le code]L'accord de Nouméa précise dans l'introduction du titre 2 de son document d'orientation, portant sur les institutions, que : « L’un des principes de l’accord politique est la reconnaissance d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisie et s’organiserait, après la fin de la période d’application de l’accord, en nationalité, s’il en était décidé ainsi. » Ceci s'est traduit dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie du par une limitation du corps électoral visant à dessiner les contours de cette « communauté de destin » pour les consultations d'autodétermination (ceux pouvant justifier d'une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au )[2] et pour les élections provinciales (corps électoral dit « glissant », c'est-à-dire ceux ayant dix ans de résidence à la date de chaque scrutin[3], jusqu'à la révision constitutionnelle de 2007, puis « gelés » aux résidents depuis au moins 1998[4]).
Rééquilibrage
[modifier | modifier le code]Un principe de « rééquilibrage » aussi bien entre communautés (notamment concernant les Kanak) qu'entre les différentes régions de la Nouvelle-Calédonie a été acté dès les accords de Matignon de 1988, afin de mettre fin aux inégalités sociales, économiques et politiques. Cela s'est traduit tout d'abord par la provincialisation à partir de 1989 et l'inégale clé de répartition (les Provinces Nord et des Îles Loyauté obtenant proportionnellement plus que leur poids démographique réel).
L'une des priorités de cette politique fut alors de former des cadres néo-calédoniens, et en tout premier lieu kanaks : c'est le programme « 400 cadres » lancé en 1988 et auquel a succédé en 1998 le programme « Cadres avenir », qui offre des aides conséquentes pour le financement des études et aiguille l'étudiant pour trouver des stages et, à terme, obtenir un emploi, tout cela dans des secteurs porteurs de l'économie néo-calédonienne. À la fin de l'année 2007, les deux programmes avaient permis de former 450 cadres[5]. Le programme « 400 Cadres » a notamment permis d'obtenir le premier médecin mélanésien (le Dr Paul Qaeze, médecin généraliste), tandis que « Cadres Avenir » a fêté, en juin 2008, son millième stagiaire, et compte à son actif notamment le deuxième médecin kanak (le Dr Jacques Lalié, de Lifou, diplômé en novembre 2007 et revenu sur le territoire en 2008[6]). Toutefois, la directrice du Groupement d'intérêt public chargé de le gérer, Marie-Laure Gibert, estimait alors que la Nouvelle-Calédonie n'était qu'à « 10 % des besoins pour le rééquilibrage », tandis que certains reprochent au dispositif de favoriser l'installation définitive en Métropole des bénéficiaires (s'ils y fondent une famille durant leurs études ou s'ils y développent une première expérience professionnelle, néanmoins les chiffres ne font état que de 7 % des bénéficiaires qui ne rentrent pas à la fin de leur cursus universitaire ou de leur formation sur le Territoire, tandis que 90 % réussissent à trouver un emploi dans les trois mois qui suivent leur retour)[7].
Plusieurs projets visant au développement économique de la Province Nord ont également été lancés, notamment par la volonté de constituer des zones urbaines dans la région Voh-Koné-Pouembout sur la côte ouest et le « Grand H » (autour de Poindimié) sur la côte est ou la construction de nouvelles infrastructures (le centre hospitalier du nord avec deux pôles hospitaliers, un à Koumac à l'ouest et l'autre à Poindimié à l'est, la route transversale Koné-Tiwaka, la création du lycée de Poindimié, entre autres). Mais le pilier principal de ce rééquilibrage est la participation à l'industrie minière avec la création d'une Société minière du Sud Pacifique (SMSP), contrôlée majoritaire par la Société d'investissement de la Province Nord (SOFINOR), qui s'est constitué un domaine minier au cours des années 1990 et a lancé, en 1998, le projet de l'usine du Nord dans le massif de Koniambo en partenariat avec le canadien Falconbridge puis le suisse Xstrata pour un début de production en 2011 (Koniambo est contrôlé à 51 % par la SMSP, le reste par Xstrata). La SMSP a également ouvert en 2008 une usine de traitement du nickel en Corée du Sud qu'elle contrôle à 51 %, en partenariat avec le sud-coréen POSCO. Cette politique a permis de réduire quelque peu les migrations vers le sud : si le solde migratoire de la province reste négatif, il est passé d'une perte oscillant entre 180 et 370 personnes par an entre 1996 à 2003 à seulement -75 en 2007[8].
En revanche, l'absence de projets d'envergure dans la province des îles n'a pas permis d'enrayer cet exode, qui reste encore aujourd'hui particulièrement massif. La macrocéphalie du Grand Nouméa, loin d'être limitée, s'est de plus accentuée. Si la part respective des trois provinces dans la population calédonienne était restée globalement stable entre 1983 et 1996, avec 68 % de la population dans le Sud, 21 % au Nord et 11 % aux îles, la part du Sud n'a cessé ensuite de se renforcer (71,2 % en 2004 et presque 75 % en 2009) tandis que celles des Îles et du Nord se sont affaiblies. Depuis 1996, la Province Sud a connu un taux d'accroissement annuel moyen de 2,4 % contre 0,65 % dans le Nord et une chute de 1,38 % dans les Îles. Le Grand Nouméa passe ainsi de 60 % de la population calédonienne en 1996 à 66,67 % en 2009. Plusieurs formations ou dirigeants politiques, surtout non-indépendantistes, revendiquent depuis la fin des années 2000 l'élaboration d'un bilan critique des politiques de rééquilibrage menées depuis 1988 et pour une réforme de la clé de répartition : c'est le cas surtout du Rassemblement-UMP du député puis sénateur président de la Province Sud Pierre Frogier ainsi que de Calédonie ensemble du président du gouvernement local puis député Philippe Gomès[9].
Emploi local
[modifier | modifier le code]Un seul véritable droit particulier supplémentaire est accordé aux citoyens néo-calédoniens selon l'accord de Nouméa et la loi organique de 1999 : la protection de l'emploi local. Ainsi, l'article 24 de la loi organique déclare[10] :
« Dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie prend au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d'une durée suffisante de résidence des mesures visant à favoriser l'exercice d'un emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient à la date de leur publication les autres salariés.
De telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et à la fonction publique communale. La Nouvelle-Calédonie peut également prendre des mesures visant à restreindre l'accession à l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une durée suffisante de résidence. »
Aucun texte n'est clairement venu préciser cette disposition avant 2010, en raison notamment d'un désaccord profond entre opposants et partisans de l'indépendance sur le degré de protection à accorder (les premiers voulant privilégier à l'embauche les citoyens néo-calédoniens uniquement à compétence égale des autres candidats, tandis que les seconds veulent une discrimination positive plus poussée). Les négociations avec les partenaires sociaux sur le sujet n'ont débuté qu'en 2006, et un reportage de l'émission Capital sur un éventuel « Eldorado calédonien » diffusé le sur M6 ou encore le projet d'ouvrir une liaison aérienne entre La Réunion et la Nouvelle-Calédonie par un accord entre Air Austral et Aircalin (qui pour les défenseurs de l'emploi local causerait un fort mouvement migratoire entre une région d'outre-mer connaissant un fort taux de chômage et une collectivité connaissant un quasi plein emploi) relancent le débat (l'émission aurait entraîné une hausse des requêtes auprès de l'agence de l'emploi néo-calédonienne venant de France métropolitaine)[11]. Un collectif « Citoyen de pays » est rapidement constitué et celui-ci organise une marche réunissant un millier de personnes à Nouméa le , afin de protester notamment contre le remaniement de l'avant-projet de loi du pays sur le sujet (ramenant, entre autres, la pénalité pour l'employeur en cas d'irrégularité de 625 à 400 fois le taux horaire, ou encore le fait que le premier chapitre explique comment embaucher une personne venant de l'extérieur de l'archipel)[12].
L'avant-projet établit :
- un accès à l'emploi sans restriction uniquement pour les citoyens néo-calédoniens et leurs conjoints (ou personnes liées à un citoyen néo-calédonien par un PACS)[13],
- des durées de résidence minimales pour les personnes venant de l'extérieur en fonction des difficultés de recrutement auprès de la main-d'œuvre locale connues par le secteur de travail auquel ils postulent (10 ans pour les activités professionnelles principalement satisfaite par le recrutement local, soit plus de 75 % de citoyens locaux embauchés, 5 ans pour les secteurs connaissant de simples difficultés de recrutement, avec 50 à 75 % de Néo-calédoniens employés, 3 ans pour ceux touchés par « d'importantes difficultés », n'ayant réussi à recruter que 25 à 50 % de locaux, et sans durée minimum pour « d'extrêmes difficultés » avec moins de 25 % de Néo-calédoniens ou assimilés) et
- une Commission paritaire de l'emploi local (CPEL) composée des représentants des partenaires sociaux, chargée d'émettre un avis sur tout recrutement litigieux, de formuler des propositions face à la problématique de l'emploi local et investie d'une mission de conciliation en cas de litige.
Il est avalisé par la Commission consultative du travail par tous les partenaires sociaux à l'exception de l'Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE, indépendantiste) et de la Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CSTNC) et par le Gouvernement collégial local à l'unanimité de ses membres le [14]. Il obtient également l'agrément du Conseil d'État au début du mois suivant, avec deux réserves : la nécessité de préciser dans le texte que la priorité à l’emploi local ne doit s’appliquer « qu’à égalité de compétence compte tenu de l’expérience professionnelle requise pour un emploi » et l'affirmation qu'aucune disposition de la loi organique ne permettrait aux conjoints de citoyens néo-calédoniens de bénéficier d'un régime d'exonération (mesure pourtant défendue par certains partis politiques, surtout non-indépendantistes, afin d'empêcher une éventuelle « fuite des cerveaux », à savoir la décision par certains étudiants néo-calédoniens de rester en France métropolitaine ou à l'étranger après y avoir éventuellement trouvé leur conjoint)[15].
Le texte est ensuite transformé en projet de loi de pays par un nouveau passage devant le gouvernement local. Il est voté une première fois par le Congrès le à une très large majorité (tous les élus à l'exception de 16 abstentionnistes, à savoir les 12 du groupe FLNKS dominé par l'Union calédonienne et les 4 du Parti travailliste, le bras politique de l'USTKE), mais la demande d'une seconde lecture et donc d'un nouveau vote est déposée par le FLNKS avec la volonté de retirer du projet la protection des conjoints de citoyens néo-calédoniens et d'augmenter la durée de séjour minimum requise pour accéder à certains emplois[16]. Le texte est alors remanié, avec l'ajout de la motion suivante : « à conditions de qualification et de compétence égales, l’employeur est tenu de donner la priorité au citoyen de la Nouvelle-Calédonie ». De même, outre la promotion et le soutien de l'emploi local, le projet de loi du pays appelle dans son titre à la « protection » de ce dernier. L’assimilation des conjoints non locaux des citoyens néo-calédoniens reste soumise à des mesures plus favorables que pour les autres personnes ne respectant pas la durée minimale de résidence, mais ils ne sont toutefois plus appréhendés directement dans le champ des bénéficiaires de la protection. À la place, les dispositions sur l’emploi local leur sont étendues en assimilant une durée de mariage de 2 ans à une résidence de 10 ans. Ce nouveau document est finalement voté à nouveau, et cette fois à l'unanimité, par le Congrès le , et est publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du [17].
Symboles
[modifier | modifier le code]Références historiques
[modifier | modifier le code]Plusieurs références historiques servent de fondement à la notion de « destin commun » telle que définie dans l'accord de Nouméa, dont surtout :
- « Deux couleurs, un seul peuple », slogan historique sur lequel s'est créé en 1953 l'Union calédonienne (UC), alors parti autonomiste militant pour la construction d'une société pluriethnique en Nouvelle-Calédonie,
- la poignée de main entre le dirigeant historique de la lutte indépendantiste kanak, Jean-Marie Tjibaou, et la figure tutélaire des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, Jacques Lafleur, le . Ce geste est vu comme le symbole de la fin des affrontements violents entre les deux camps durant la période des « Évènements » entre 1984 et 1988, et le point de départ des accords de Matignon puis de Nouméa.
Signes identitaires
[modifier | modifier le code]L'article 1.5 de l'Accord de Nouméa, intitulé « Les Symboles », déclare notamment : « Des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque devront être recherchés en commun pour exprimer l'identité kanak et le futur partagé entre tous. »[1].
Le , les trois premiers signes sont adoptés par une loi du pays votée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie par 49 voix sur 54 tandis que 5 s'abstiennent (les 4 du Parti travailliste et Jean-Luc Régent du Rassemblement pour la Calédonie)[18]. Il s'agit de :
- l'hymne : « Soyons unis, devenons frères »,
- la devise : « Terre de parole, Terre de partage »,
- des propositions de graphisme des billets de banque.
La question du drapeau de la Nouvelle-Calédonie a vivement divisé la classe politique et la population néo-calédonienne à partir de 2010, entre :
- les partisans de la proposition du député (puis sénateur) Pierre Frogier de faire hisser côte-à-côte sur les édifices publics le drapeau tricolore et le drapeau dit « Kanaky » (ou « indépendantiste », ou du « FLNKS »), afin de faire un geste d'ouverture à l'égard des indépendantistes pour entamer les négociations de sortie de l'accord de Nouméa et en signe de reconnaissance de la « double légitimité ». Cette initiative a été soutenue par le gouvernement national de l'époque, par le Rassemblement-UMP, l'Avenir ensemble, l'Union calédonienne (UC), le Rassemblement démocratique océanien (RDO), Unir et Construire dans le Renouveau (UC Renouveau) et le Parti travailliste. Ces quatre dernières formations, indépendantistes, ont de plus entamé depuis une démarche visant à faire reconnaître le drapeau « Kanaky » comme le signe identitaire prévu par l'accord de Nouméa, ce que refuse les anti-indépendantistes du Rassemblement-UMP et de l'Avenir ensemble (qui veulent au-contraire repousser le choix de ce signe après l'aboutissement des négociations de sortie).
- les partisans de l'adoption d'un « drapeau commun » selon la définition littérale prévue par l'accord de Nouméa et la méthode préconisée par la loi organique. Un Collectif pour un drapeau commun a été créé, tandis que les partis anti-indépendantistes Calédonie ensemble, du Rassemblement pour la Calédonie (RPC), du Mouvement de la diversité (LMD), de l'Union pour un destin calédonien (UDC) de même que la fédération locale du Front national (FN) ont fait de cette revendication l'un de leurs axes principaux pour critiquer le Rassemblement-UMP. Du côté indépendantiste, le Parti de libération kanak (Palika) et le mouvement Libération kanak socialiste (LKS) ont critiqué la méthode initiée par Pierre Frogier.
Le nom de l'archipel, signe le plus sensible, n'a pas encore été soumis au débat ou aux négociations, chaque tendance campant jusqu'à présent sur ses positions : maintien de « Nouvelle-Calédonie » pour les non-indépendantistes, adoption de « Kanaky » pour les indépendantistes, tandis que des petits partis neutres sur l'avenir institutionnel (dits « accordistes ») ou de personnalités apolitiques ont proposé le compromis de « Kanaky Nouvelle-Calédonie », par exemple.
Mwâ Kâ
[modifier | modifier le code]Lors du 150e anniversaire du rattachement à la France le , le Mwâ kâ (ce qui signifie « poteau central de la case » en langue drubea) est érigé dans la cour de l'Hôtel de la Province Sud à Nouméa. Il s'agit d'un poteau sculpté totémique voulu comme l'emblème du destin commun, réalisé par des artistes kanak venus de tout l'archipel et chargé de symbolique jusque dans ses proportions (douze mètres de haut pour les douze mois de l'année, il est porté et dressé la première fois par 150 porteurs issus de toutes les communautés faisant référence au temps passé comme territoire français et son poids est de trois tonnes pour renvoyer aux trois Provinces).
Il reprend en huit étages les motifs iconographiques (références à des mythes fondateurs) et les flèches faîtières représentatifs de chacune des huit aires coutumières (hiérarchisées en fonction de l'ancienneté de la colonisation par les missionnaires puis les Français, de la plus ancienne implantation européenne en bas à la plus récente en haut), surmonté d'une case miniature et planté dans un bloc de nickel (référence à la mine et au développement industriel de l'archipel) gravé d'une phrase du préambule de l'accord de Nouméa : « Le passé a été le temps de la colonisation, le présent est le temps du partage par le rééquilibrage, l’avenir doit être le temps de l’identité partagée dans un destin commun »[19].
Lors du , le Mwâ kâ est déplacé à son emplacement définitif, en face du musée de Nouvelle-Calédonie et du marché de Port Moselle à Nouméa. Il est implanté dans une pirogue de béton et végétale dont il sert de mât, représentation du destin commun, tandis que les flèches faitières latérales des aires coutumières sont replacées par des enfants issus de toutes les communautés de la Nouvelle-Calédonie[20].
Fête de la citoyenneté
[modifier | modifier le code]Historiquement, le 24 septembre est une fête civile locale chômée en Nouvelle-Calédonie pour commémorer la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France le . Cette signification étant une source de réjouissance plus pour les non-indépendantistes que pour les partisans de l'accès à une pleine souveraineté, les autorités et certaines associations (tout particulièrement le « Comité 150 ans après ») ont tenté après l'accord de Nouméa d'en faire une célébration plus consensuelle sur le thème du destin commun et sous le nom de « Fête de la Citoyenneté », voire de la fixer à une autre date (telle que le 26 juin, en référence du jour de la poignée de main historique entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou lors de la signature des accords de Matignon en 1988).
Le point de départ de cette évolution a lieu avec les levées du Mwâ kâ en 2003 puis 2004. Par la suite, chaque année des célébrations ont lieu autour de ce nouveau monument le 24 septembre (le 23 pour des raisons logistiques en 2006) sous le nom de « journée citoyenne » ou « fête de la citoyenneté » (le terme est pour la première fois employé en 2006 par la vice-présidente du Gouvernement local, écrivain Kanak et militante du FLNKS Déwé Gorodey) avec certains représentants des institutions (du Gouvernement local, du Congrès et des trois Provinces, avec une fréquentation irrégulière selon les années) et une très forte présence du FLNKS et des Kanak en général. Le Rassemblement-UMP (et donc la mairie de Nouméa et les trois mousquetaires) ne s'y rend pas en 2004 et de 2006 à 2010 (en 2005, pour l'installation de la sculpture du barreur sur la pirogue de pierre, le maire de Nouméa Jacques Lafleur participe aux célébrations pour la première fois), préférant organiser de son côté des « pique-niques républicains ». Le petit mouvement indépendantiste de Libération kanak socialiste (LKS) parle en 2006, pour la première « journée citoyenne », de « mascarade folklorique »[21].
La fête du , couplée avec la clôture du 4e festival des arts mélanésiens qui se déroulait cette année en Nouvelle-Calédonie et la levée des deux drapeaux sur la place du Mwâ kâ (accompagnée par l'air du nouvel hymne), est toutefois nettement plus fréquentée et plus plurielle que les éditions précédentes, avec pour la première fois depuis 2005 la présence du maire de Nouméa Jean Lèques et d'une représentante du président Rassemblement-UMP de la Province Sud Pierre Frogier (cela même si ni l'État, ni la Province Nord n'ont alors dépêchés d'émissaires officiels)[22]. En 2011, la « Fête de la Citoyenneté » s'étale sur plusieurs jours avec des manifestations itinérantes sur le thème « Assumons ensemble notre histoire commune » : à Balade (Pouébo, lieu du premier contact avec des Européens en 1774, de l'arrivée de la première mission catholique en 1843 et de la prise de possession en 1853) les 23 et 24 septembre (avec pour la première fois la participation du président du Rassemblement-UMP Pierre Frogier), à Ponérihouen le lendemain, à Bourail le 27, à La Foa le 28, à Dumbéa le 29, à Ouvéa le 30 et enfin à Nouméa au Centre culturel Tjibaou et au Mwâ kâ le 1er octobre[23].
Manifestations et revendications
[modifier | modifier le code]La notion de destin commun a été mis en avant par plusieurs partis, associations, mouvements ou manifestations politiques. C'est le cas d'une grande partie des formations se revendiquant comme « accordistes » (terme apparu à partir de 1999 pour désigner les partisans d'une application à la lettre de l'accord de Nouméa qui se refusent de plus à prendre position dans le clivage traditionnel sur l'avenir institutionnel qu'ils jugent dépassé). La principale fut pendant longtemps « Génération destin commun » menée par Jean-Raymond Postic (conseiller municipal de Nouméa de 1995 à 2008 et plusieurs fois candidat, sans succès, aux élections provinciales ou législatives, il a fini par rallier l'Union calédonienne et le FLNKS en 2010), relayée plus récemment par l'association « Convergence Pays » et son fondateur Stéphane Hénocque.
De nombreux partis politiques anti-indépendantistes, souvent construits en opposition à l'hégémonie historique du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) de Jacques Lafleur devenu le Rassemblement-UMP de Pierre Frogier, mettent en avant le principe de « destin commun » jusque dans leur nom, plus ou moins de manière explicite :
- l'Avenir ensemble créé en 2004 par des dissidents de plus ou moins longue date du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), dirigé par Harold Martin.
- Calédonie ensemble, née d'une scission en 2008 de l'Avenir ensemble et emmenée par Philippe Gomès.
- l'Union pour un destin commun (UDC), autre fruit de la division en 2008 de l'Avenir ensemble, fondé par la seule figure indépendantiste de ce parti, Christiane Gambey.
- l'Union pour un destin calédonien (UDC également), créée en 2011 par deux élues divers droite du Congrès, dissidentes d'autres partis non-indépendantistes et proches de Calédonie ensemble : Nathalie Brizard (exclue du RPC en 2010) et Corine David (démissionnaire en 2011 de l'Avenir ensemble).
Le slogan « Si y a pas toi, y a pas moi », inventé en 2007 par l'animateur de la radio indépendantiste Radio Djiido et musicien kanak Jacques « Kiki Karé » pour servir de titre à une exposition organisée par le Centre culturel Tjibaou en 2008 pour célébrer le vingtième anniversaire de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, a été repris en 2009 par un « collectif citoyen » se voulant contre la violence en Nouvelle-Calédonie, à la suite des violents incidents ayant eu lieu alors autour d'un conflit social non abouti engagé par l'USTKE au sein de la compagnie domestique Air Calédonie, et pour « la construction d’un destin commun ». Celui-ci a organisé une marche qui a rassemblé 25 000 personnes à Nouméa le . 5 000 polos portant le slogan « Si ya pas toi ya pas moi » ont été distribués. Beaucoup de commerces, d'entreprises et d'administrations ont libéré leur personnel pour aller marcher. Les trois chambres consulaires et le gouvernement local ont apporté leur soutien au mouvement. Parmi les personnalités présentes, le député UMP Gaël Yanno, le maire de Nouméa Jean Lèques, le président du Congrès Harold Martin et Nidoish Naisseline du LKS.
Références
[modifier | modifier le code]- Accord de Nouméa, Legifrance
- Loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (1), Article 218, Legifrance
- Loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (1), Article 188, Legifrance
- Constitution française de 1958, Article 77, Legifrance
- « Vingt ans aussi pour Cadres avenir », Les Nouvelles Calédoniennes, 27/06/2008
- J. Elizalde, « Jacques Lalié : Tingeting-Bobigny, aller-retour », Les Nouvelles Calédoniennes, 03/07/2008
- J. Elizalde, « 1 000 Cadres Avenir, et après ? », Les Nouvelles Calédoniennes, 11/06/2006
- [PDF] Bilan démographique 2008, ISEE
- [PDF] H. LEPOT, « Faut-il poncer le marbre de la clé de répartition ? », Les Nouvelles Calédoniennes, 19/08/2009
- Loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (1), Article 24, Legifrance
- F. THERIAUX, « L’eldorado calédonien sur M6 (Capital) », Calédosphère, 08/01/2009
- C. COCHIN, « L'emploi local en marche », Les Nouvelles Calédoniennes, 14/02/2009
- « La loi sur l’emploi local, acte II », Les Nouvelles Calédoniennes, 14/02/2009
- P. FRÉDIÈRE, « Le projet sur l’emploi local adopté », Les Nouvelles Calédoniennes, 04/03/2009
- P. FRÉDIÈRE, « Feu vert du Conseil d’État à l’emploi local », Les Nouvelles Calédoniennes, 09/04/2009
- M. BALTZER, « L’emploi local voté hier mais déjà menacé », Les Nouvelles Calédoniennes, 30/12/2009
- M. CHAUCHAT, « La loi du pays sur l’emploi local a été votée », site du Laboratoire de recherches juridiques et économiques LARJE de l'Université de la Nouvelle-Calédonie
- Y. MAINGUET, « Le plus dur commence », Les Nouvelles Calédoniennes, 19/08/2010
- « Un symbole à déchiffrer de bas en haut », Les Nouvelles Calédoniennes, 26/09/2003
- « Un 24 septembre sous le signe du Mwâ Ka », Les Nouvelles Calédoniennes, 25/09/2004
- « Citoyenneté partagée », Les Nouvelles Calédoniennes, 25/09/2007
- S. AMIOTTE, « Un 24 septembre tourné vers l'avenir », Les Nouvelles Calédoniennes, 26/09/2010
- « La Fête de la citoyenneté en balade », Les Nouvelles Calédoniennes, 21/09/2011
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- BENSA Alban, WITTERSHEIM Éric, « A la recherche d’un destin commun en Nouvelle- Calédonie », Le Monde diplomatique, .
- FAUGÈRE Elsa et MERLE Emma (dir.), La Nouvelle-Calédonie. Vers un destin commun ?, éd. Karthala, coll. « Karapaa, Mémoire et actualité du Pacifique », 2010.