Le Tableau (Cébès)
Le Tableau (en grec : πίναξ / Pinax) est un dialogue, une ekphrasis, c'est-à-dire une description d'œuvre d'art – en l'occurrence, une peinture.
Le texte met en scène des jeunes gens qui aperçoivent un tableau, parmi d'autres offrandes consacrées aux dieux, dans un temple de Cronos. Dans un premier temps, ils ne parviennent pas à comprendre la signification de ce tableau, jusqu'à ce que survienne un vieillard qui va leur en expliquer le sens symbolique. Ce tableau se révèle être une allégorie des destinées de l'âme humaine. Œuvre regroupant plusieurs genres[1], célèbre depuis la Renaissance, Le Tableau de Cébès est d'ordinaire édité à la suite d'Épictète. Parmi des traductions dans de nombreuses langues, la première traduction française parut en 1529 à Lyon.
Authenticité
[modifier | modifier le code]Traditionnellement attribué au philosophe grec Cébès de Thèbes, disciple de Socrate et personnage du Criton et du Phédon de Platon, mais l'identité de l'auteur a été remise en cause[2] : ce serait un homonyme, philosophe stoïcien originaire de Cyzique, contemporain de Marc Aurèle (IIe siècle)[3].
Dialogue
[modifier | modifier le code]Dans l’Antiquité, pour remercier ou honorer un dieu, les fidèles accrochaient aux arbres du sanctuaire, autour des statues et sur les autels des temples, des tablettes de terre cuite ou de bois, percées d’un trou pour les suspendre. Le Tableau de Cébès est la description d’un de ces présents : une peinture. Chez Théophraste, se trouve un exemple de ces ex-voto dans le portrait du Radin[4],[5],[6] : le vainqueur d'un concours de poésie dramatique n'inscrit sur une tablette de bois[7]que son nom à lui, mais pas celui de l'auteur, ni de sa tribu, ni des acteurs, ni le nom de la pièce. Dans le dialogue de Cébès, à la différence de la plupart des présents votifs, le tableau est l'offrande d'un étranger, disciple de Parménide et de Pythagore.
Prologue
[modifier | modifier le code]En se promenant dans le temple de Cronos, des étrangers aperçoivent un tableau placé devant le sanctuaire : devant la porte on aperçoit une foule nombreuse, et dans l'enceinte une multitude de femmes. Passé quelque temps à se tourmenter sur le sens de ces allégories, un vieillard se propose d'expliquer les allégories particulières, ce que signifie ce tableau, œuvre d'un homme plein de sens, d’une haute sagesse, et qui, dans ses discours et sa conduite, cherchait à retracer la philosophie de Parménide et de Pythagore.
Postérité
[modifier | modifier le code]Les éditions du Tableau ont été nombreuses au XVIe siècle et au XVIIe siècle. C'était un livre d'école qu'on mettait entre les mains des adolescents, également bon pour apprendre le grec et la morale. Fréquemment il vient à la suite du Manuel d'Épictète. En 1529, Geoffroy Tory en fit une traduction intitulée : La table du philosophe Cébès, natif de Thèbes et auditeur d'Aristote, en laquelle est descrite et paincte la voye de l'home humain tendant à vertus et parfaicte science. Claude Saumaise a donné l'édition d'une ancienne paraphrase arabe du Tableau, accompagnée d'une traduction latine par Johann Elichmann, l'un des plus savants orientalistes de de son siècle. Le protestant Justus Velsius essaya de ramener les opinions de Cébès aux dogmes chrétiens ; enfin Agostino Mascardi publia en dix ans deux éditions différentes de ses Discorsi morali sur la Tavola di Cebete Tebano (1643 et 1653), très apprécié de Giambattista Vico[8].
Albrecht Dürer s'en est sans doute inspiré pour sa gravure La Petite Fortune (vers 1495-1496) ; son ami l'humaniste Willibad Pirckheimer venait de traduire Le Tableau pour la première fois en allemand[9].
Personnages du dialogue
[modifier | modifier le code]- Un vieillard
- Des étrangers venus visiter un temple du dieu Cronos
Références
[modifier | modifier le code]- allégorie, ekphrasis, etc.
- Lucien de Samosate (2015), p. 587
- Fleury Lécluse, doyen de la Faculté de Lettres de Toulouse, affirme reconnaître le ton socratique dans l'édition de 1833
- Les Caractères, XXII
- Bordes 1996, p. 44-45.
- Waquet 1996, p. 65.
- donc de peu de valeur à l'achat
- F. SFORZA, « Vico e la Tavola di Cebete », Bollettino del Centro di studi vichiani, vol. XIV-XV, 1984-85, p. 253-69
- Mathieu Deldicque et Caroline Vrand (dir.), Albrecht Dürer. Gravure et Renaissance, In Fine éditions d'art ; Musée Condé, Chantilly, , 288 p. (ISBN 978-2-38203-025-7), p. 252
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Les Caractères (trad. du grec ancien par Nicolas Waquet, préf. Nicolas Waquet), Paris, Payot & Rivages, coll. « La Petite Bibliothèque », , 112 p. (ISBN 978-2-7436-2138-4).
- Les Caractères (trad. du grec ancien par Xavier Bordes, préf. Xavier Bordes), Paris, Mille et Une Nuits, , 72 p. (ISBN 2-84205-044-4).
- Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. Émile Chambry), Lucien de Samosate : Œuvres complètes, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1), « Le maître de rhétorique ».
- Tableau de la vie humaine, trad. Mario Meunier, 1933
- Pensées pour moi-même, suivies du manuel d'Epictète et du tableau de Cébès (trad. du grec ancien par Mario Meunier), Paris, Garnier Frères, coll. « Classiques Garnier », , 298 p.
- Robert Joly : Le Tableau de Cébès et la philosophie religieuse, 1965
Liens externes
[modifier | modifier le code]- L'Ekphrasis au travers des textes de Cébès de Thèbes, Lucien de Samosate et Philostrate de Lemnos : traductions et interprétations aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, Rapport de recherche bibliographique, ENSSIB, 2003
- (la) Johann Elichmann et Claudius Salmasius, Tabula Cebetis Graece, Arabice, Latine. Item Aurea Carmina Pythagorae, Cum paraphrasi Arabica, Lugduni Batavorum, Johannes Maire, (lire en ligne)
- (it) Agostino Mascardi, Discorsi morali su la tavola di Cebete tebano, Venise, ad instanza di Girolamo Pelagallo, (lire en ligne)
- Lire Le Tableau de Cébès de Thèbes en ligne sur le site Remacle