Lys (1746)
Lys | |
Profil d'un vaisseau français de 64 canons du même type que le Lys. | |
Type | Vaisseau de ligne |
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Histoire | |
A servi dans | Marine royale française |
Quille posée | [1] |
Lancement | |
Armé | [1] |
Équipage | |
Équipage | 640 à 650 hommes[N 1] |
Caractéristiques techniques | |
Longueur | 47,4 ou 48,4 m[1] |
Maître-bau | 12,9 m |
Tirant d'eau | 6,1 m[1] |
Déplacement | 1 100 t[1] |
Propulsion | Voile |
Caractéristiques militaires | |
Armement | 64 canons |
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Le Lys était un vaisseau de ligne à deux ponts portant 64 canons, construit par Jacques Luc Coulomb à Brest en 1745, et lancé en 1746. Il opéra dans l’Océan Indien à la fin de la guerre de Succession d’Autriche. Il fut capturé par la Royal Navy en 1755, au début de la guerre de Sept Ans, au cours d'une mission à destination du Canada.
Caractéristiques générales
[modifier | modifier le code]Le Lys était un bâtiment moyennement artillé mis sur cale selon les normes définies dans les années 1730-1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui disposait de beaucoup plus de navires[3]. Il faisait partie de la catégorie de vaisseaux dite de « 64 canons » dont le premier exemplaire avait été lancé en 1735 et qui fut suivi par plusieurs dizaines d’autres jusqu’à la fin des années 1770, époque où ils furent définitivement surclassés par les « 74 canons[N 2]. »
Comme pour tous les vaisseaux de guerre de l’époque, sa coque était en chêne, son gréement en pin, ses voiles et cordages en chanvre[5]. Il était moins puissant que les vaisseaux de 74 canons car outre qu'il emportait moins d'artillerie, celle-ci était aussi pour partie de plus faible calibre, soit :
- vingt-six canons de 24 livres sur sa première batterie percée à treize sabords,
- vingt-huit canons de 12 sur sa deuxième batterie percée à quatorze,
- dix canons de 6 sur ses gaillards[6].
Cette artillerie correspondait à l’armement habituel des 64 canons. Elle était en fer. Lorsqu'elle tirait, elle pouvait délivrer une bordée pesant 540 livres (soit à peu près 265 kg) et le double si le vaisseau faisait feu simultanément sur les deux bords[7]. Chaque canon disposait en réserve d’à peu près 50 à 60 boulets, sans compter les boulets ramés et les grappes de mitraille[5].
Pour nourrir les centaines d’hommes qui composaient son équipage, c’était aussi un gros transporteur qui devait, selon les normes du temps, avoir pour deux à trois mois d'autonomie en eau douce et cinq à six mois pour la nourriture[8]. C'est ainsi qu'il embarquait des dizaines de tonnes d’eau, de vin, d’huile, de vinaigre, de farine, de biscuit, de fromage, de viande et de poisson salé, de fruits et de légumes secs, de condiments, de fromage, et même du bétail sur pied destiné à être abattu au fur et à mesure de la campagne[8].
La carrière du vaisseau
[modifier | modifier le code]Mission dans l’océan Indien lors de la guerre de Succession d’Autriche (1747 - 1749)
[modifier | modifier le code]Le bâtiment entra en service à la fin de la guerre de Succession d'Autriche, en 1747. Il devait faire partie d’une petite division de trois vaisseaux chargée d’escorter un convoi d’une quinzaine de voiles à destination des Indes orientales[9]. Il fut placé sous les ordres d’un marin expérimenté, le capitaine de frégate Bouvet de Lozier[10]. Il s’agissait d’apporter de l’argent et des renforts dans l’Hindoustan à la Compagnie des Indes qui y soutenait presque toute seule la guerre contre l’Angleterre et qui avait essuyé de lourdes pertes.
Le convoi et sa division appareillèrent de Lorient le mais fut aussitôt assailli et dispersé par un violent coup de vent. Seuls le Lys et quatre transporteurs poursuivirent leur route, le reste devant se réfugier à l’île d’Aix pour faire des réparations[11]. Quelques semaines plus tard, le Lys atteignait l’île de Sainte-Catherine, lieu traditionnel d’escale sur la côte du Brésil. Bouvet de Lozier y attendit en vain le reste des navires, ne sachant pas que ceux-ci étaient restés à l’île d’Aix jusqu’au mois de mai avant d’être intégrés à un autre convoi. Le Lys reprit la route des Indes le ; deux mois plus tard, le , il touchait la rade de Port-Louis, à l’île de France[12].
Il y resta stationné deux mois, le temps pour le gouverneur de rassembler et d’armer tous les navires disponibles (civils et militaires) afin d’apporter des renforts à Dupleix, qui, enfermé dans Madras, risquait d’être assiégé et pris par des forces anglaises très supérieures[12]. C’est ainsi que le Lys se retrouva navire amiral d’une escadre de sept bâtiments qui se formait sur la côte de Madagascar, à Foule Pointe, où les ressources étaient plus importantes qu’à l’île de France[N 3].
Bouvet de Lozier prit la mer le [12]. Avec beaucoup d’habileté, il réussit à se glisser au milieu des escadres anglaises, exécuter toute sa mission et revenir sain et sauf avec tout son monde[12]. Le , il était dans les eaux de Ceylan, puis remonta la côte de l’Inde et surprit au mouillage à Gondelour, le , l’escadre anglaise de Griffin. Mais, jugeant ses forces trop faibles pour engager le combat, il préféra poursuivre sa route. Le , Bouvet de Lozier était à Madras où il débarqua les 60 000 marcs d’argent qu’il convoyait ainsi que les munitions et 400 hommes de renfort[12]. Reprenant la mer immédiatement, il évita toutes les croisières anglaises et le , il était de retour à l’île de France[12]. Ces secours permirent à Dupleix de résister victorieusement dans Pondichéry à l’escadre anglaise de Boscawen qui arriva en août.
La paix entre l’Angleterre et la France, signée en octobre 1748, ne clôtura les opérations en Asie que l’année suivante, le temps que les dépêches y soient acheminées. Le Lys parut encore sur les côtes de l’Inde à Pondichéry en , cette fois dans l’escadre de Kersaint, qui avait succédé à Bouvet de Lozier[12]. Les dates de retour du Lys en France sont inconnues : peut-être à la fin de 1749 où au début de 1750. En 1751, à sa cinquième année de service, on le retrouvait désarmé à Brest, mais déclaré « en bon état »[14].
Mission et perte dans l’Atlantique lors de la guerre de Sept Ans (1755)
[modifier | modifier le code]En 1755 la guerre menaçait de nouveau avec l'Angleterre. Pour y faire face, le chef d'escadre Dubois de La Motte avait reçu le commandement d'une flotte de dix-huit voiles composée de trois vaisseaux de ligne, onze vaisseaux armés en flûtes et quatre frégates. Cette force convoyait 3 000 hommes de troupes à destination du Canada et embarqués pour l'essentiel sur les onze vaisseaux réduits en flûte[15]. Le Lys, qui faisait partie des flûtes, vit donc son armement réduit à 22 canons pour le transport des régiments de Languedoc (quatre compagnies), et de La Reine (quatre compagnies).
Il fut capturé avec l'Alcide le long des côtes de Terre-Neuve le par le vice-amiral britannique Boscawen qui avait reçu pour mission, avec l’escadre d’Halifax, d'intercepter tous les navires français. Malgré sa faible artillerie, son commandant, le chevalier de Lorgeril opposa une longue résistance aux trois vaisseaux anglais qui le cernaient[15]. L’expédition n'était cependant pas un échec, car hormis ces deux bâtiments, tout le reste de l'escadre était passé. Le Lys est l'un des trente-sept vaisseaux perdus par la France pendant la guerre de Sept Ans[N 4].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. C’est ainsi qu'un 100 canons emporte 1 000 hommes d'équipage, un 80 canons 800 hommes, un 74 canons 740, un 64 canons 640, etc. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d’épidémie, de perte au combat ou de manque de matelots à l'embarquement[2].
- Les 74 canons en étaient par ailleurs un prolongement technique apparu neuf ans après le lancement du premier 64 canons, le Borée[4],[3]. Sur la chronologie des lancements et les séries de bâtiments, voir aussi la liste des vaisseaux français.
- Outre le Lys, il y avait L’Apollon, L’Anglesey, le Mars, le Brillant, le Centaure et la Cybèle, soit 328 canons et 2 800 hommes[13].
- Dix-huit vaisseaux pris par l'ennemi ; dix-neuf vaisseaux brûlés ou perdus par naufrage[16].
Références
[modifier | modifier le code]- French Third Rate ship of the line Le Lys (1746), sur le site anglophone Three Decks - Warships in the Age of Sail d'après Demerliac 1995. Ronald Deschênes, Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, « 2. du deuxième rang ».
- Acerra et Zysberg 1997, p. 220. Voir aussi Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 105.
- Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
- Acerra et Zysberg 1997, p. 67.
- Acerra et Zysberg 1997, p. 107 à 119.
- Ronald Deschênes, « Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780 du troisième rang », sur le site de l'association de généalogie d’Haïti (consulté le ).
- Selon les normes du temps, le navire, en combattant en ligne de file, ne tirait que sur un seul bord. Il ne tirait sur les deux bords que s'il était encerclé ou s'il cherchait à traverser le dispositif ennemi. Base de calcul : 1 livre = 0,489 kg.
- Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
- Les autres vaisseaux étaient l’Invincible (74 canons) et le Jason (50). Lacour-Gayet 1910, p. 180.
- Taillemite 2002, p. 69.
- Lacour-Gayet 1910, p. 180.
- Lacour-Gayet 1910, p. 215-220.
- Lacour-Gayet 1910, p. 216.
- Tableau de la flotte française en 1751, (d'après Roche 2005).
- Troude 1867-1868, p. 391, Lacour-Gayet 1910, p. 254-255.
- Vergé-Franceschi 2002, p. 1327.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire », , 451 p. (ISBN 2-7181-9503-7)
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0).
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
- Lucien Bély, Les relations internationales en Europe : XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis », , 731 p. (ISBN 2-13-044355-9)
- Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, éditions LTP, , 530 p. (lire en ligne)
- Alain Demerliac, La Marine de Louis XV : Nomenclature des Navires Français de 1715 à 1774, Nice, Oméga,
- Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2847340082)
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 1, Paris, Challamel aîné, 1867-1868, 453 p. (lire en ligne).
- Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, Honoré Champion éditeur, (1re éd. 1902) (lire en ligne).
- Laurent Veyssière (dir.) et Bertrand Fonck (dir.), La guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, Québec, Septentrion (Canada) et PUPS (France), , 360 p. (ISBN 978-2-89448-703-7)
Liens internes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- French Third Rate ship of the line Le Lys (1746), article du site anglophone Three Decks - Warships in the Age of Sail
- Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, liste tenue par Ronald Deschênes sur le site agh.
- Tableau de la flotte française en 1751 et en 1753, sur netmarine.net, d'après Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870.