Opposition à la guerre du Viêt Nam
L'opposition à la guerre du Viêt Nam est un ensemble de contestations, débutant en 1946 par des manifestations en France pour s'opposer à la guerre d'Indochine et se poursuivant à partir de 1964 par des manifestations, contre l'engagement militaire des Américains dans la guerre, et qui s'est transformé en un vaste mouvement social au cours des années suivantes.
La période 1946-1954
[modifier | modifier le code]La première phase d'opposition à la guerre du Viêt Nam a joué un rôle dans la décision française de cesser la guerre en 1954, selon les historiens. Ainsi, la « guerre d'Indochine est impopulaire, c'est vrai », avait reconnu l'avant-dernier président du Conseil au cours de la phase française de la guerre, Joseph Laniel[1]. Le général français Henri Navarre, à l'origine des engagements opérés avant la défaite de Dien Bien Phu, a pour sa part reconnu que la guerre d'Indochine n'était « pas une guerre nationale » mais une « entreprise lointaine, menée par la seule armée de métier, et à laquelle la nation, qui n'en saisissait pas le sens, ne participait absolument pas »[1].
Dès le 7 décembre 1946, un meeting est organisé par les trotskistes, salle Wagram à Paris, et interdit[2]. La manifestation qui s'improvise autour est dispersée[2]. Le 26 décembre 1946 à Bordeaux, c'est une manifestation d'un millier de Vietnamiens contre la guerre d'Indochine qui est dispersée[2]. D'autres ont lieu le même jour à Moulins, Montluçon, Mont de Marsan et Fontenay-le-Comte, où a lieu une grève de la faim[2]. Le linguiste et résistant René L'Hermitte, recruté par le quotidien communiste L'Humanité après la Libération[3], est envoyé à Londres et à Saïgon. Dans un article du 22 mars 1947, il cite un officier qui dénonce des tortures contre des prisonniers Viet-minh[4].
En février 1948 se déroule le premier meeting contre cette guerre, auquel participent 600 personnes, à la Maison de la Mutualité, organisé par le PCF, les groupes Esprit, avec Jean-Marie Domenach, l'Association France-Viet Nam et quelques socialistes minoritaires, autour de Jean Rous, qui va quitter peu après la direction de la SFIO[1].
Fin août 1948, le congrès mondial des intellectuels à Wroclaw, en Pologne déclare la Paix comme priorité du monde communiste. Le PCF attendra la fin, en décembre, de la grève des mineurs de 1948 pour s'impliquer[2] et son secrétaire général Maurice Thorez ne fera un discours en ce sens, que le 6 février 1949 devant la fédération de la Seine[2], la plus militante. Le discours est suivi d'une manifestation sur les grands Boulevard puis d'autres en banlieue parisienne[2].
Le PCF en organise 96 au cours de l'année 1949, à partir de ce mois de février[2]. Le 22 février 1948, une soixantaine de personnalités issues de la Résistance avaient déjà fondé à l'Hôtel des Deux Mondes à Paris « les Combattants de la Liberté », mais leur mouvement est récupéré par les communistes avant la fin de l'année : « Les Combattants de la liberté » deviennent « les Combattants de la paix et de la liberté », au cours des 1res « Assises du peuple français pour la paix et la liberté », à Paris les 27 et qui voient ajouter à la question indochinoise les thèmes du réarmement allemand, de l'usage de l'arme atomique et du désarmement général pour épouser la ligne communiste[5]. Le PCF place alors plusieurs responsables, comme Laurent Casanova, au détriment des anciens résistants[6].
Puis dans le courant de l'année 1949, René L'Hermitte couvre dans son journal les premières manifestations de rues et des premiers refus de chargement d’armes à destination de l’Indochine, qui débouchent sur la grève des dockers de 1949-1950.
En 1950, l'affaire Henri Martin donne lieu à une mobilisation du PCF et de nombreux intellectuels contre la guerre : Henri Martin, ancien résistant devenu mécanicien de la Marine nationale, témoin du bombardement de Haïphong en 1946 et devenu un opposant à la guerre coloniale, avait été condamné à cinq ans de réclusion pour distribution de tracts à l'arsenal de Toulon. Le poète Jacques Prévert lui dédie le poème « Entendez-vous, gens du Vietnam[7] ».
Les sondages montrent que dès mai 1953, le sentiment de l'opinion publique évolue: 28 % des électeurs gaullistes du RPF sont partisans de négocier et de retirer les troupes. C'est aussi le cas de 38 % des « modérés », 41 % des électeurs MRP, 43 % des électeurs RGR (essentiellement radicaux), 61 % des électeurs socialistes et la totalité des électeurs communistes[1].
La défiance envers la guerre fut nourrie par une suite de « scandales » et « d'affaires » à dimension financière et d'enrichissements personnels, comme l'affaire des piastres[8],[9].
Le 25 décembre 1945, le ministère des Finances avait fixé le cours officiel de la piastre, monnaie locale, à 17 francs[10], soit deux fois sa valeur réelle, plus proche de 8,50 francs[8]: il suffisait d'habiter en République de Cochinchine et d'obtenir l'autorisation de transférer en métropole des piastres pour réaliser une plus-value de 100%[10]. Ces opérations sont réservés aux militaires et autres fournisseurs de l'armée et le gouvernement renoncer à dévaluer la piastre pour ne pas se les mettre à dos[10], mais des proches et obligés vont en bénéficier de plus en plus[10],[8].
Les transferts de piastres vers la France dépassent largement, à partir de 1950, la solde des militaires[10], dont beaucoup sont réputés désormais vivre sur un mode très dépensier[10], en jouant des sommes élevées au « Grand Monde », à Cholon, faubourg chinois de Saigon[10], ou payer avec largesse les prostituées du « Parc à buffles »[10]. François-Jean Armorin, parmi les journalistes français les plus connus, auteur de nombreux scoops[10] fut envoyé par le quotidien Franc-Tireur pour enquêter sur ce trafic dont il soupçonnait Mathieu Franchini, patron de l'hôtel Continental situé rue Catinat d'être responsable[10]. Il avait déjà obtenu en juin 1947 le prix Claude Blanchard, pour ses deux grands reportages « Sur un chalutier » et « Terre promise, terre interdite »[10],[11], réalisés sur un cargo d’immigrants juifs en partance pour la Palestine puis été arrêté en compagnie de Garry Davis et Albert Camus en novembre 1948, lors d'une séance de l'ONU[12].
De retour en France, menacé de mort par des trafiquants de Saïgon, François-Jean Armorin disparaît dans la catastrophe aérienne de Bahreïn (Golfe persique), le 12 juin 1950[8]. Son avion a explosé dans des circonstances mystérieuses[10], faisant 46 morts[13]. Ses articles ont été récupérés puis publiés avec un grand succès. Un livre : Son dernier reportage, préfacé par Joseph Kessel, relate son aventure en Indochine. Ces trafics ont aussi été suivis par Georges-Félix Grosjean, futur directeur de l'information générale de Sud-Ouest, et envoyé spécial de ce journal en Indochine[8], qui les évoque dans les quotidiens datés des 22 et 30 avril 1950[8] et devait se trouver dans le même avion[8].
La période 1964-1973
[modifier | modifier le code]Aux États-Unis
[modifier | modifier le code]Un engagement hésitant
[modifier | modifier le code]Les États-Unis ont apporté une aide matérielle importante aux Français dans la dernière phase de la guerre d'Indochine : en 1953-1954, au titre de l'endiguement du communisme, ils leur versent l'équivalent d'un milliard de dollars, soit les deux tiers de leurs dépenses sur le théâtre indochinois. Le président Eisenhower ne souhaite pas engager son pays dans un nouveau conflit après les lourdes pertes de la guerre de Corée. L'opinion américaine, partagée entre l'anticommunisme et l'isolationnisme, se sent peu concernée par les événements d'Asie du Sud-Est. Cependant, le soutien discret puis de plus en plus ouvert de la CIA et des militaires américains au régime du Viêt Nam du Sud amènent une implication croissante des États-Unis[14]
L'opposition à l'intervention américaine au Viêt Nam tient à de nombreux facteurs, antimilitarisme, anticolonialisme, tiers-mondisme, opposition à l'impérialisme américain. Elle tient une place importante dans la contre-culture des années 1960 aux États-Unis et en Europe. Au cours de la seconde moitié des années 1960 et début des années 1970, période de la fin de la guerre, la situation va évoluer de façon très importante.
L'émotion après l'immolation d'un bonze en 1963
[modifier | modifier le code]La tension dans l'opinion publique internationale est relancée quand est assassiné à Saïgon le , Jean-Baptiste Ngô Đình Diệm, président de la république du Viêt Nam depuis 1955, qui fut dès le milieu des années 1950 un personnage clé de l'escalade de la guerre du Viêt Nam à cause notamment de son refus, avec l'appui de ses alliés américains, d'organiser le référendum d'autodétermination prévu dans la déclaration finale des accords de Genève qui avaient mis fin à la première guerre d'Indochine.
Décrit comme anti-bouddhiste dans un pays à forte majorité bouddhiste, il avait incarné une opposition très dure Hồ Chí Minh. Les États-Unis ont fomenté un coup d'État pour l'éliminer au profit d'une junte militaire plus favorable aux intérêts américains[15],[16],[17],[18]. Il avait organisé en , dans la partie méridionale du pays, un référendum manifestement truqué, avec plus de voix favorables que d’électeurs.
Diệm a toujours démenti les accusations de persécution à l'encontre des bouddhistes malgré les immolations et révoltes et l’immolation publique par le feu de Thích Quảng Đức en , aggravée par le fait que « Madame Nhu », l'épouse du frère cadet du président célibataire., parle avec cynisme de « barbecue »[19]. L'émotion internationale a permis une instrumentalisation de ces troubles par les propagandes américaines et nord-vietnamiennes pour diaboliser le gouvernement sud-vietnamien[20]. Sa politique anti-bouddhiste provoque un soulèvement général, toutes tendances politiques confondues. L’immolation publique par le feu des bonzes déclenche une révolte de ses propres généraux et la création du Front national de libération du Sud Viêt Nam (dit Viêt Cong).
Le retentissement international de la crise est accentué par David Halberstam du New York Times, et le photographe Malcolm Browne, chef du bureau de l'Associated Press à Saïgon. Leur photo recevra le Prix Pulitzer en 1964. Le journaliste et diplomate américain John Mecklin, qui exerce la fonction d’agent responsable des affaires publiques à l’ambassade américaine de 1962 à 1964, déclare « Cette photographie a provoqué un effet-choc, dont les conséquences ont été d’une valeur incalculable pour la cause bouddhiste, devenant un symbole de l’état de la situation au Vietnam. ». Le gouvernement vietnamien tente alors de faire croire que le moine a été drogué et poussé au suicide, accusant nommément l Malcolm Browne de l’avoir corrompu pour qu’il accepte de s’auto-immoler[21],[22],. Les photos sont vendues dans les rues au format carte postale. La Chine communiste en diffuse et distribue des millions d’exemplaires en Asie et en Afrique, pour dénoncer l’« impérialisme américain ».
Les médias et les artistes américains plutôt favorables avant 1968
[modifier | modifier le code]Malgré cet épisode les médias audiovisuels américains sont plutôt en faveur de la guerre jusqu’en 1968[23]. La couverture du magazine grand public Life est ainsi consacrée en 1964 à un reportage sur la vie des soldats américains envoyés au Vietnam[23] et en 1967 les déclarations officielles assurant que la guerre du Viêt Nam est déjà quasiment gagnée sont reprises par les télévisions[23]. Dans le monde artistique, la chanson Hello Vietnam, interprétée par le chanteur Country Johnnie Wright (en), exalte en 1965 le soldat américain au combat[23] et soutient la guerre[24] tandis qu'en 1968, un acteur très populaire, John Wayne co-réalise Les Bérets verts, film engagé justifiant l'intervention américaine au Viêt Nam, qui exprime l'engagement personnel de ce soutien au Parti républicain et ardent patriote[25]. Hello Vietnam fait de très bons scores d'audience à la radio en 1965[24], à un moment où le soutien à la guerre commence déjà à s'éroder aux États-Unis[24].
Les sondages et le retournement de l'opinion américaine
[modifier | modifier le code]L'appui relatif d'artistes et de médias ne suffit pas à assurer un soutien massif de l'opinion publique aux Etats-Unis. Un sondage Louis Harris de janvier 1968 signale alors certes que 45 % des Américains sont sensibles à l’argument selon lequel « il s’agit d’arrêter une fois pour toutes l’agression communiste en Asie du Sud-Est » mais la barre des 50% n'est pas atteinte[23]. Et dès 1967, selon Gallup Polls, une majorité croissante d'Américains considéraient l'implication militaire des États-Unis au Viêt Nam comme une erreur.
Les événéments de l'hiver 1967-1968 retournent l'opinion
[modifier | modifier le code]A la fin de 1967 et au début de 1968, la situation évolue quand un pont aérien relie la base de Khe Sahn lieu stratégique pour tenter de bloquer les ravitaillements de la piste Ho Chi Minh et que plusieurs journalistes de télévision, notamment Daniel North, correspondant d’ABC, s'y rendent[23]: les témoignages publiés à l’antenne montrent que les soldats ne voient pas l’intérêt d’une telle guerre[23], et l'hypothése d'un nouveau « Dien Bien Phu », surgit[23]. Puis en février 1968, c'est l'Offensive du Tết, campagne combinée du Front national de libération du Sud Viêt Nam (ou Việt Cộng) et de l'Armée populaire vietnamienne, menée au sud du pays, où toutes les caméras et les photoreporters sont basés[23], pour démontrer que les déclarations américaines selon lesquelles la situation s’améliorait étaient fausses. Cette « entreprise de déstabilisation de l’opinion américaine, opérée sciemment par le Nord-Vietnam » révèle que les États-Unis ne sont même pas capables de protéger leurs bases arrière[23]. Début 3 mars 1968, 200 GI’s ont déjà été tués à Hué après des combats qui durent depuis 28 jours[23], maison par maison, devant une énorme couverture médiatique[23]. Le reporter vedette de CBS Walter Cronkite, jusque là ouvertement favorable à l'engagement américain, conclut en direct dès son retour au fait qu'elle est une impasse[23].
La photo de l'Associated Press en 1972
[modifier | modifier le code]Le 27 juin 1969 le magazine Life change son fusil d'épaule, il affiche cette fois les visages de 242 soldats américains tués au cours d'une seule semaine, ce qui suscite une vive émotion dans tout le pays[23]. Puis c'est la photo d'une victime civile qui créé l'émotion. En 1972, Nick Ut, embauché comme photographe par l'Associated Press à la suite du décès de son frère aîné[26], n'avait que 21 ans quand il devient l'auteur du plus célèbre cliché de la guerre, celui d'une petite fille de 9 ans[23], affolée par la guerre, prise dans son village de Trang Bang, au Sud-Vietnam[23], à moins d'une heure de Saïgon[26]. En quelques jours, ce cliché du 8 juin 1972 s'impose en « une » des journaux du monde entier[26], « suscitant l'indignation et la colère des opposants à la guerre, l'embarras désolé de ses partisans »[26]. L'Associated Press est l'agence de presse coopérative de tous les médias américains, et elle est réputée pour son indépendance.
Cependant, pour l'historien des médias Christian Delporte, son impact n'a pas été réellement décisif, car « les images ne font donc pas l’opinion, c’est l’opinion qui fait les images »[23]. Selon lui, « les chaines de télévision ont suivi l’opinion, elles n’ont pas façonné cette dernière ». La renommée de cette image serait donc plutôt l'emblème du basculement de l'opinion que son déclencheur. Au total, près de 4 000 reportages TV ont été recensés pendant cette guerre[23], mais seulement 10 % d'entre eux ont pu être considérés comme marquants[23].
La photo aura, par ailleurs, un impact diffus dans le temps, instrumentalisée quatre ans après, en 1976, par les Communistes vietnamiens[23], elle servira à une campagne de propagande dans les années 1980[23], passant entre autres par Cuba[23]. Le président américain Richard Nixon n'en est pas moins très irrité sur le moment[26], et soupçonne la photo d'être truquée, comme le montreront des années après des enregistrements de la Maison Blanche[26].
Le contexte n'accrédite que très peu cette hypothèse. Nick Ut est par cette photo le témoin surpris d'une spectaculaire bavure[26] : ce sont deux avions de l'armée sud-vietnamienne, croyant viser un repaire de Viêt-congs, qui avaient bombardé une pagode abritant ses propres soldats et des familles civiles[26]. Le photoreporter a vu quatre bombes de napalm descendre, les champs s'embraser, les arbres ruisseler de flammes[26], des silhouettes humaines s'enfuir, dont la petite fille qui crie « Nong qua, nong qua ! » (« Trop chaud ! »)[26]. Christopher Wain, journaliste de la chaîne britannique ITN donne à boire à la petite fille et l'asperge d'eau[26]. Nick Ut va lui chercher un poncho et la conduit à l'hôpital de Cu Chi[26], sur la route de Saïgon, où des infirmières prennent le relais[26], avant de développer le négatif. Le photo obtiendra le Prix Pulitzer[26].
Sociologie du mouvement d'opposition
[modifier | modifier le code]Les jeunes militants au premier rang de ce mouvement pacifiste aux États-Unis sont des étudiants, des mères ou des hippies. L'opposition augmente avec l'engagement des militants du mouvement des droits civiques, de ceux défendant les droits des femmes ou de syndicalistes.
Sa popularité s'étend encore avec le soutien de nombreux autres groupes, y compris les enseignants, le clergé, les universitaires, les journalistes, les avocats, les médecins (comme Benjamin Spock) et les anciens combattants. Leurs actes consistaient principalement en manifestations non violentes, bien que quelques événements ont été délibérément provocateurs et violents. Dans certains cas, la police a fait usage de moyens brutaux contre des manifestants pacifiques.
L'opposition à la guerre au sein même de l'armée
[modifier | modifier le code]Comme deux décennies plus tôt lors de la guerre d'Indochine menée par la France, l'opposition à la guerre prit pied progressivement au sein même de l'armée américaine. Les historiens estiment qu'environ 300 journaux de GI sont apparus pendant la guerre du Vietnam[23], les soldats découvrant des moyens clandestins de les imprimer, avec des titres et des BD humoristiques[23]. Quiconque était pris à lire ou distribuer un journal clandestin, risquait la cour martiale et la prison[23]. Un slogans de recrutement militaire, « Fun, Travel, and Adventure » fut détourné pour devenir « Fuck The Army »[23]. Il devient en 1971, le FTA Show (en), une pièce de théâtre conçue comme une réponse à la tourné patriotique et pro-guerre de Bob Hope. Jules Feiffer et les dramaturges Barbara Garson et Herb Gardner ont écrit des chansons et des sketches pour le spectacle.
La Suède donne aux déserteurs la possibilité de demander l’asile politique, et des réseaux humanitaires organisèrent les voyages vers la Scandinavie[23]. Ils favorisèrent les niveaux record de désertion, près de 50 000 sur toute la durée de la guerre[23], quasiment une décennie.
En Europe
[modifier | modifier le code]La position de l'Église catholique
[modifier | modifier le code]En octobre 1965, à la tribune de l'ONU, le pape Paul VI lance un appel : « Plus jamais la guerre ! » Quelques jours avant la Noël 1965, il demande aux belligérants une trève générale. Cet appel est relayé surtout dans les milieux du catholicisme social comme, en France, les revues Témoignage chrétien et Cité nouvelle malgré la réputation d'anticatholicisme du régime nord-vietnamien[27].
Le rôle du « Tribunal Russell » en Europe
[modifier | modifier le code]Le Tribunal Russell est fondé en 1966 par le philosophe français Jean-Paul Sartre et le mathématicien, philosophe et épistémologue britannique Bertrand Russell pour dénoncer la politique des États-Unis pendant la guerre du Viêt Nam. En janvier 1967, Bertrand Russell publie Crimes de guerre au Vietnam, plaidoyer pour ce tribunal d'opinion, appelé aussi « Tribunal international des crimes de guerre ». D'autres intellectuels, l'Italien Lelio Basso, le Britannique Ken Coates, l'Autrichien Günther Anders, l'Américain Ralph Schoenman (en), l'Argentin Julio Cortázar participent à ce tribunal.
Prévue initialement, début 1967, à Paris, en France, la première séance ne pourra avoir lieu qu'à Stockholm, en Suède, car le président de la République française Charles de Gaulle, n'a pas souhaité recevoir son président[28],, tandis que la deuxième aura eu lieu à Roskilde, au Danemark, fin 1967[28].
En France
[modifier | modifier le code]Le Comité Vietnam national
[modifier | modifier le code]Les manifestations, pétitions et actions diverses contre l'intervention américaine au Vietnam s'étendent rapidement à l'Europe, en particulier à la France, où l'expérience des actions contre la guerre d'Algérie ne remonte qu'à 4 ou 5 ans, avec des réseaux anticolonialistes toujours prêts à se mobiliser. Un Comité Vietnam national constitué le 30 novembre 1966[29] pour protester, souvent avec le soutien du syndicat étudiant de l'UNEF, et présidé par le mathématicien Laurent Schwartz, qui une dizaine d'années plus tôt avait présidé un autre comité, le comité Maurice-Audin, dans le contexte de la guerre d'Algérie.
En France, le CVN est un point de convergence d'étudiants et de lycéens actifs dans les premières réunions de sensibilisation de la jeunesse à la cause vietnamienne. Il crée son propre journal, Vietnam et organise les « Six heures de la Mutualité », à la Maison de la Mutualité de Paris, le , réunion largement soutenue par la revue des Temps modernes, comme lors des actions contre la guerre d'Algérie et au même lieu. Le Comité Vietnam Lycéen était particulièrement implanté au lycée Henri-IV et fut le point de départ du comité d'action lycéen[30].
Le CVN est soutenu par un grand nombre d' intellectuels de gauche mais non communistes, comme l'historien Pierre Vidal-Naquet (lui aussi naguère membre du comité Maurice-Audin et militant contre la torture pendant la guerre d'Algérie), Jean-Paul Sartre ou Vladimir Jankélévitch (autre philosophe), ou encore le physicien Alfred Kastler.
Le rôle des Jeunes communistes
[modifier | modifier le code]Le Parti communiste est un des premiers à dénoncer l'intervention américaine au Viêt Nam à travers le Mouvement de la paix. À partir de 1965, ils sont rejoints par des chrétiens de gauche[31].
En mars 1966, plusieurs cercles lycéens du Mouvement jeunes communistes, à Colbert, Lavoisier, Carnot, Voltaire, Decour, Louis-Le-Grand, Condorcet, Charlemagne, Henri IV, Turgot deviennent des « oppositionnels », car ils mènent campagne pour la mixité des cercles et pour une autre presse, « l’éducation théorique »[32].
Le PCF créé son propre réseau de comités Vietnam, le plus souvent implantés dans des lycées, dans les régions où il a une audience importante. Le 27 novembre 1967, les Jeunesses communistes parviennent à réunir jusqu'à 70 000 manifestants à Paris pour la paix au Viêt Nam avec le soutien de personnalités comme la résistante Madeleine Riffaud et les journalistes Jean-Émile Vidal et Charles Fourniau[33],[34].
En janvier 1968, le PCF crée le Comité national d’action pour le soutien et la victoire au Vietnam (CNA), concurrent du CVN ; les deux comités publient des traductions du journal communiste vietnamien Courrier du Vietnam. Pour le CNA, le mot d'ordre « Victoire pour le Vietnam » vient remplacer celui de « Paix au Vietnam ». Les « comités Vietnam » de l'une ou l'autre obédience se multiplient dans les villes et les universités[31].
Les Comités Vietnam lycéens
[modifier | modifier le code]En septembre 1966 se constituent à leur tour les Comités Vietnam lycéens, auxquels se joignent en décembre des jeunes militants rendus disponibles par l'exclusion de l'opposition lycéenne de la Jeunesse Communiste[35].
Puis à la rentrée 1966, Maurice Najman fonde avec Michel Recanati l'esquisse du premier comité Vietnam lycéen (CVL)[36] au lycée Jacques Decour. Les lycées Turgot et Henry IV suivent immédiatement[37],[38],[39].
Au cours de cet hiver 1966-1967, quatre futurs leaders du mouvement de Mai 68 créent ainsi les premiers comités Vietnam lycéens, Joël Grynbaum au lycée Turgot, Nicolas Baby au lycée Henri-IV, Maurice Najman et Michel Recanati au lycée Jacques Decour. Ces comités de septembre 1966 aux lycées Decour, Turgot et Henri-IV préfigurent les comités Vietnam lycéens (CVL) officiellement fondés en décembre, dont le succès inquiète le PCF qui exclut ses militants, lorsqu'ils en sont membres, des JC en décembre 1966.
Le 28 février 1967 à Paris est organisé un meeting de plusieurs centaines de lycéens au Cinéma Monge[40] autour de Jacques Decornoy, Léo Matarasso, avocat d'Henri Alleg, Jean-Pierre Vigier, secrétaire général du Tribunal Russell[41], revenu du Nord-Vietnam pour témoigner sur les crimes de guerre américains, Claude Roy, le chanteur Marcel Mouloudji et le grand reporter Roger Pic, militant PCF, qui projette son film Malgré l'escalade, tourné au Vietnam.
Élargissement et internationalisation du mouvement
[modifier | modifier le code]L'automne 1967 voit l'entrée en scène des maoïstes de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml) qui créént un réseau rival se battant sur le même thème : les Comités Vietnam de base (CVB)[42], surtout implantés auprès des étudiants[42], en particulier à la Sorbonne, où se met en place un «Comité Vietnam Histoire» qui évoque régulièrement les origines historiques du conflit, « La guerre d'Indochine et ses conséquences »[42], un conflit au cours duquel les étudiants et les intellectuels s'étaient peu exprimés[42]. Le CVH de la Sorbonne cherche à mobiliser les étudiants en histoire, via un journal dont deux numéros sont publiés en février et en avril 1967[42].
À l'échelle nationale, les Comités Viêtnam de base publient le journal Victoire pour le Vietnam[42].
Des bagarres opposent les jeunes maoïstes pro-Vietcong aux militants d'extrême-droite, bien implantés au Quartier latin, et aux CRS[31],[43].
Les jeunes militants français tentent de coordonner leur action avec celle de mouvements similaires à l'étranger. Les 17 et 18 février 1968, la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) participe à un congrès international pro-vietnamien à Berlin-Ouest animé par Rudi Dutschke. Des jeunes membres du CVN sont invités à Cuba pour rencontrer des révolutionnaires cubains et vietnamiens[31].
Les comités Viêtnam de base contribuent à la fermentation qui aboutira aux événements de mai-juin 1968. Le 20 mars 1968, des étudiants anti-impérialistes sont arrêtés alors qu'ils saccageaient une agence d'American Express à Paris : un rassemblement pour réclamer leur libération donne naissance au Mouvement du 22 mars[31].
Autres pays
[modifier | modifier le code]L'Australie, qui envoie un contingent aux côtés des Américains au Viêt Nam, connaît une série de rassemblements contre la guerre et la conscription. Les manifestations pour un « moratoire » de la guerre, le 8 mai 1970, rassemblent 70 000 à 100 000 personnes à Melbourne, 25 000 à Sydney, 10 000 à Brisbane[44].
Au Japon, pays officiellement démilitarisé mais base arrière des forces américaines en Extrême-Orient, la contestation de l'intervention américaine au Viêt Nam prend le relais de celle contre le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon signé en janvier 1960 : le mouvement prend un caractère massif, particulièrement chez les étudiants, au point que cette tranche d'âge est couramment désignée comme « génération de la guerre du Vietnam[45] ».
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Opposition to United States involvement in the Vietnam War » (voir la liste des auteurs).
- "L'opinion française et la guerre d'Indochine (1945-1954). Sondages et témoignages" par Alain Ruscio, dans la revue d'histoire Vingtième Siècle en 1991 [1]
- "Les manifestations de rue en France, 1918-1968" par Danielle Tartakowsky [2]
- Biographie Le Maitron de René L'Hermitte [3]
- "La fin de la guerre d’Indochine (1953-1954) vue par L'Humanité", article de Alain Ruscio en 1993 dans Les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [4]
- Laurent Piron, Le Mouvement de la Paix français, pacifisme militant et propagande communiste (1952-1975), Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Bobigny, 2007
- Olivier Le Cour Grandmaison, « Le Mouvement de la paix pendant la guerre froide : le cas français (1948-1952) », Communisme, no 18-19, 1988, p.120-138.
- Anne Mathieu, En 1950, l’affaire Henri Martin, Le Monde Diplomatique, août 2022
- "La piastre et le fusil: Le coût de la guerre d’Indochine. 1945-1954" par Hugues Tertrais, aux IGDPE Editions publications, en 2002 [5]
- Présentation du livre consacré à l'affaire par Hugues Tertrais, agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine, est maître de conférences à l’université de Paris I - Panthéon-Sorbonne. [6]
- Marianne du 8 juillet 2002 [7]
- « François-Jean ARMORIN », sur tallandier.com via Wikiwix (consulté le ).
- Garry Davis un citoyen du monde vient de disparâitre
- http://www.bea.aero/docspa/1950/f-de500612/pdf/f-de500612.pdf Le rapport d'accident du DC-4
- Jean Cazemajou et Laurent Cesari, La Guerre du Vietnam et l’opinion publique américaine (1961-1973), Presse Sorbonne Nouvelle, (lire en ligne), Les États-Unis et l’Indochine avant 1961
- Roger-Gérard Schwartzenberg, La Politique mensonge, , 496 p. (ISBN 978-2-7381-4083-8, lire en ligne), cxxxiii.
- (en) John Prados, « JFK and the Diem Coup », sur The National Security Archive, (consulté le )
- (en) « U.S. and Diem's Overthrow: Step by Step », sur The New York Times, (consulté le )
- (en) Andrew P. Napolitano, Lies the Government Told You : Myth, Power, and Deception in American History, , 368 p. (ISBN 978-1-4185-8424-5, lire en ligne), p. 254.
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- Ngo-Dinh Quynh, Ngo-Dinh Le Quyen, Jacqueline Willemetz, La République du Viet-Nam et les Ngo-Dinh, Paris 2013, p. 62 à 69.
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- Story behind Song 'Hello Vietnam'
- Anton Giulio Mancino, John Wayne, Paris, Gremese, 1998.
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- "Partisans": une revue militante, de la Guerre d'Algérie aux années 68"
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- Boris Gobille, Mai 68, La Découverte, , 121 p. (ISBN 978-2-348-03727-6, lire en ligne)
- Salle de plus de 1 000 fauteuils, qui a fermé ses portes à la fin des années 1970 pour devenir un supermarché.
- Cf la tribune "Libres opinions" publiée dans Le Monde le 9 janvier 1968. Jean-Pierre Vigier titre son "papier" : La victoire des Vietnamiens.
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